En présence des plus hautes autorités de la République française, Joséphine Baker rejoint, entre autres, Jean Moulin, Marie Curie, Victor Hugo et Jean Jaurès au Panthéon, grand temple laïque situé dans le 5ème arrondissement de Paris, où reposent les « grands hommes » de la France, beaucoup moins ses « grandes femmes ». Joséphine Baker sera, le 30 novembre 2021, la première femme noire à entrer au Panthéon. Ayant quitté les Etats-Unis dans les années 20, elle devient une iconique meneuse de revue et artiste de music-hall de renommée planétaire en pleine Seconde Guerre mondiale. En parallèle, Baker s'est engagée dans la Résistance et est devenue agent du contre-espionnage. Elle a accepté d'entrer dans les services secrets pour « défendre la France », et s'est battue contre le racisme. Un parcours qui, probablement, explique sa panthéonisation. Près de 2.000 invités, proches et anonymes, assisteront à cette cérémonie solennelle et grandiose, qui sera présidée par Emmanuel Macron. Un tapis rouge gigantesque sera déployé dans la rue qui mène au monument. La dépouille de la défunte, qui repose aujourd'hui à Monaco au cimetière marin, aux côtés de Grace Kelly, qui fut une de ses amies, ne sera pas déplacée, et restera enterrée là-bas. Le cénotaphe, cercueil symbolique, comportera de la terre des 4 endroits où l'artiste a passé sa vie, à savoir Saint-Louis aux Etats-Unis où elle est née, la Dordogne où elle avait son château, Monaco et Paris. Au service de la France libre Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, Joséphine Baker met son talent musical à contribution en chantant pour les soldats alors au front. En septembre 1939, elle devient un agent du contreespionnage français, traité par Jacques Abtey (chef du contreespionnage militaire à Paris). À cet effet, elle fréquente la haute société parisienne, puis se mobilise pour la Croix-Rouge. Après la bataille de France, elle s'engage le 24 novembre 1940 dans les services secrets de la France libre, toujours via le commandant Abtey, qui reste son officier traitant jusqu'à la Libération. Joséphine Baker arrive à Marseille pour des galas en 1941 avec l'aide d'Emile Audiffred, qui l'envoie en Afrique du Nord retrouver les frères Marouani. Elle s'installe au Maroc entre 1941 et 1944, elle soutient les troupes alliées et américaines et se lance dans une longue tournée en Jeep, de Marrakech au Caire, puis au Moyen-Orient, de Beyrouth à Damas, y glanant toutes les informations qu'elle peut auprès des officiels qu'elle rencontre. Un amour singulier pour le Maroc Joséphine Baker a visité, durant les années 20-30, plusieurs pays d'Europe, d'Amérique et d'Afrique. Mais, le Maroc était, pour elle, un souvenir inoubliable. Elle a aimé ce pays de tout son coeur. Quand elle arrivait en terre marocaine, elle faisait la conquête de Marrakech. Cette ville cosmopolite lui avait ouvert ses portes comme on feuillette les pages d'un livre. C'est à la ville ocre que sa vie emprunte son visage le plus beau. Arrivée à Marrakech, Joséphine Baker résida à l'hôtel de la Mamounia. Ensuite, elle voulut avoir un logement dans un endroit qui soit convenable à ses goûts : «J'ai voulu avoir ma maison pour vivre comme les Arabes. J'en ai trouvé une dans la Médina, près de la Koutoubia, qui élève ses trois boules d'or audessus des terrasses de la ville. C'était au fond d'une impasse étroite, perdue, serrée entre des murs», a-t-elle écrit dans ses mémoires. Elle y demeura quelques jours, qui furent des jours heureux, dans cette vieille maison calme «où il y a des orangers, des colonnes de marbre fin, et des ombres épaisses. Tu entres où tu veux maintenant. Toutes les portes sont ouvertes sur le patio comme un bloc de lumière jusqu'au ciel. Tu n'as qu'à soulever une tenture au hasard des arcades », s'est-elle exprimée. Joséphine Baker était une errante dans la charmante ville, une femme heureuse qui admirait Marrakech. Ceux qui ont bien connu l'artiste, ceux qui l'ont aimée, ils savaient tout ce qu'il y avait en elle comme bonté et passion généreuse et qu'elle était, enfin, une artiste de coeur dans toute la force du mot. Sa vie était aussi une romance. Ame romantique, elle avait trouvé à Marrakech le souvenir de quoi satisfaire son goût de la grandeur : « Marrakech est une chanson du souvenir qui m'est chère aujourd'hui, entre toutes les chansons du souvenir». Achraf EL OUAD