L'association SOS Racisme a mené pour la première fois une étude par téléphone des agences d'intérim, constatant que 45% d'entre elles acceptaient de discriminer les candidats selon leurs origines. Face à l'illégalité de la pratique, l'association rapporte les aveux des agences, «c'est de la discrimination mais on peut le faire». Dans une étude rapportée en avant-première par France Info, SOS Racisme a décidé de tester des agences d'intérim dans le bâtiment afin de déterminer leur degré de complicité aux discriminations des employeurs. Dans des tests téléphoniques, l'association antiraciste a contacté en mai dernier 69 agences de 9 enseignes en France en leur demandant d'écarter des candidats de type non européen, une pratique illégale de sélection des profils sur des critères «ethno-raciaux» alors que le BTP est le milieu qui emploie la plus forte proportion de travailleurs étrangers. Chacune des agences contactées se voyait présenter le même scénario. Alors qu'une entreprise fictive du BTP appelait l'agence, «on expliquait qu'on recherchait des profils uniquement de type européen, car il y avait déjà eu des problèmes avec des travailleurs de différentes communautés. On voulait savoir s'il était possible de filtrer les candidatures», raconte Sylia, l'une des membres de la petite équipe de testing. Selon les résultats de l'étude, 45% des agences ont accepté de discriminer à la demande du client et dans quelques cas, accepter de se rendre complice de la discrimination en laissant la société faire le tri dans les CV proposés. Adecco, qui est dans le viseur de la justice française pour des faits de «fichage à caractère racial» entre 1997 et 2001 a été la seule enseigne à avoir refusé catégoriquement la discrimination des employeurs. A l'inverse, il ressort que les agences de Proman, Ergalis et Morgan Service ont échoué à plus de 60% au test de SOS Racisme. Manpower et Randstad quant à eux refusaient dans 67% des cas de discriminer, mais dans 11 à 22% des cas se faisaient tantôt complice tantôt acteurs des discriminations. Marie Mescame responsable du pôle juridique de SOS Racisme affirme que l'association n'a forcé la main à aucune agence, «si la réponse était non, alors on n'insistait pas». Les extraits sonores mis à disposition par France Info font état de la parfaite connaissance des interdictions par les agences complices qui n'hésitent cependant pas à se soumettre à la demande du client, «si on n'a fait aucune trace de ce type d'échange, on peut faire le nécessaire». Derrière des rires nerveux, les correspondants demandent simplement à ce qu'aucune trace écrite de la demande ne figure dans les échanges. Ce que prévoit la loi concernant la discrimination En France, l'article 225-1 du Code pénal prévoit que : «Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, (…) de leur apparence physique, (…) de leur patronyme (…) de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée». L'article L1132-1 du Code du travail conforte que : «Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise» sur les mêmes critères. Au pénal, la personne physique auteure d'une discrimination encourt trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende et la personne morale une amende de 225 000 euros et en plus d'une interdiction d'exercer l'activité. Pour rappel, en 2020 un sondage avait établi que 64% des jeunes marocains étaient victimes de discrimination à l'emploi en Europe dont 50% en France.