Star du théâtre en région flamande, Saïd Boumazoughe s'est distingué en interprétant plusieurs rôles dans des séries et films traitant les problématiques des Marocains, que ce soit en Belgique ou aux Pays-Bas. Pour le jeune acteur, «il faut partir de ces clichés» et veiller à ce que «notre histoire ne soit pas racontée par les autres». Devenir acteur, un rêve pour beaucoup de jeunes mais pas pour Saïd Boumazoughe. Né le 8 août 1987 à Anvers, en région flamande de la Belgique, il souhaitait plutôt poursuivre ses études en sociologie, pour rendre fier son père fier. «Mon père travaillait dur pour qu'on puisse étudier et réussir dans la vie. J'ai ainsi mené au début des études en sociologie», nous confie-t-il depuis l'Arabie saoudite, où il participe au tournage d'un «grand projet international, qui sera dévoilé dans quelques jours». Toutefois, grandir dans le quartier anversois de Kiel, populaire et multiculturel, en aura décidé autrement. Son père rifain, originaire de Nador, est arrivé en Belgique dans les années 1960 pour travailler dans les mines. «Mon père, tout comme ses amis, ne maîtrisait pas le flamand. Etant le plus grand, il me demandait souvent de traduire des documents pour eux», se rappelle-t-il. Une expérience qui crée chez lui une curiosité sur les personnes et les interactions sociales, surtout qu'en grandissant, Saïd Boumazoughe rappelle avoir été «entouré de plusieurs problèmes comme les drogues, la dépendance, le chômage parmi des personnes migrantes même diplômées et la radicalisation». Les études entamées, il doit les suspendre aussi tôt, son père étant tombé gravement malade. Il est appelé à assumer plus de responsabilité à la maison pour combler cette absence. «Mon père me rappelait tout le temps que nous, Marocains et immigrés, devons se montrer, se mettre en valeur et réussir. C'est l'une des raison qui m'ont poussé à persévérer et m'affirmer en tant qu'acteur belge d'origine marocaine.» Saïd Boumazoughe L'acteur belgo-marocain Saïd Boumazoughe. / DR Le jeune acteur a fait ses premiers pas dans le théâtre et joué des petits rôles dans des films. «Je n'ai jamais imaginé que je deviendrai acteur. Mais ayant grandi en banlieue, les gens doublent d'efforts pour pouvoir réussir», déclare-t-il. Il se découvre aussi dans le hip-hop, avant que son chemin ne croise le réalisateur belgo-marocain Adil El Arbi, qui deviendra son ami et réalisera ainsi son premier clip. Du divertissement pour combattre les clichés Parallèlement, dans le monde du théâtre, il se fait petit à petit un nom en région flamande. En 2015, il joue dans la pièce théâtrale «Reizen Jihad» inspiré du livre du Néerlando-marocain Fikry El Azzouzi. Deux ans plus tard, il rejoint la compagnie théâtrale De Roovers pour interpréter un rôle dans la pièce Arab Night. En 2018, l'acteur belgo-marocain décroche l'un des principaux rôles de la pièce «Drarrie in de nacht» basée également sur le roman éponyme de Fikry El Azzouzi. Sa persévérance, ses contacts mais surtout son talent le propulsent dans le monde du cinéma et le petit écran. Ainsi, en 2018, il incarne le personnage de Volt dans le film «Gangsta» (titre original néerlandais : Patser) réalisé par les talentueux Adil El Arbi et Bilall Fallah. La même année, il incarne le personnage d'Ashraf Makhloufi dans la série à succès «Mocro Maffia». Saïd Boumazoughe avec les réalisateurs Adil El Arbi et Bilall Fallah et l'acteur Aboubakr Bensaihi. / DR Saïd Boumazoughe avec les réalisateurs Adil El Arbi et Bilall Fallah et l'acteur Aboubakr Bensaihi. / DR «J'ai été séduit par l'idée et par le talent du créateur de la série, Achmed Akkabi. Il y a un côté sombre de l'histoire mais le cast est surtout composé d'acteurs marocains», explique-t-il. Derrière cette participation à cette série qui fait beaucoup parler d'elle, le Belgo-marocain dit avoir vu «une histoire qui mérite être racontée». «Lorsque vous utilisez les clichés pour faire du divertissement, cela signifie que vous êtes au-dessus de ces stéréotypes. C'est comme dans le film Gangsta. Je pense qu'il faut partir de ces clichés pour que notre histoire ne soit pas racontée par les autres.» Saïd Boumazoughe Mettre en avant l'héritage multiculturel des Marocains Regrettant le «peu de scénaristes et réalisateurs» d'origine marocaine pour raconter les histoires de la migration, l'acteur insiste sur la nécessité «d'attirer l'attention» sur ce genre de faits sociaux «pour les expliquer et les décortiquer», permettant ainsi aux gens de comprendre. «Ce genre de films et de séries permet aussi de monter que les Marocains ont eux-mêmes un héritage multiculturel, parlant Darija ou amazigh et venant de plusieurs coins du Maroc», ajoute-t-il. Dans ce sens, l'acteur, attaché à son pays d'origine même étant né en Belgique, rappelle que le contexte de la pandémie du nouveau coronavirus a permis de montrer «la grande capacité des Marocains de Belgique à s'adapter». «Un élan de solidarité a été constaté au sein de la communauté. Des jeunes marocains distribuaient des paniers et collectaient des denrées, montrant ainsi la force de notre communauté», dit-il fièrement. L'acteur Saïd Boumazoughe lors d'un événement à l'ambassade du Maroc à Bruxelles. / DR Et le confinement et les mesures sanitaires dans son pays de naissance ne l'ont pas empêché de poursuivre ses projets. L'année dernière, le Belgo-marocain a pris part à la série «Terre» d'Adil El Arbi et Bilall Fallah qui tourne autour d'un jeune belgo-marocain qui reprend la société de rapatriement de dépouilles de son père et veut ramener de la terre marocaine en Belgique. «C'est une très bonne comédie qui traite une réelle problématique sociale constatée durant la pandémie. Plusieurs Marocains espéraient inhumer leurs parents et grands-parents au Maroc mais ont fini par les enterrer en Belgique, en raison de la fermeture des frontières», rappelle l'acteur qui a également pris part au tournage des saisons 3 et 4 de la série «Mocro Maffia».