Les migrants au Maroc font l'objet d'idées reçues et de stéréotypes qui ont encore la peau dure. Centrée sur trois villes du nord du pays, une étude a montré que les jeunes riverains connaissent mal ces communautés. Certaines idées reçues sur les migrants, partant de méconnaissance ou de stéréotypes persistants, sont toujours ancrées chez les jeunes. Une étude menée sur 2 737 personnes de 18 à 26 ans et vivant à Oujda, Fnideq et Al Hoceïma a indiqué en effet que leur perception consacre certains clichés. Intitulée «Perception de la migration dans les villes d'Oujda, Fnideq et Al Hoceima», elle est réalisée par la Fédération des collectivités locales du nord du Maroc et de l'Andalousie (ANMAR) et le Fonds andalous des municipalités pour la solidarité international (FAMSI). Obtenues en exclusivité par Yabiladi, ses conclusions décrivent des «perceptions ambivalentes», s'expliquant par «le profil migratoire de chacune des villes» et «la qualité de l'information en circulation autour des migrations dans ces espaces». En chiffres, 96,5% des répondants à Al Hoceïma ont estimé que les migrants n'ont pas un niveau d'instruction suffisant. A Oujda, ils sont 83,8% à partager cet avis et 71,6% à Fnideq. Les jeunes sont nombreux aussi à estimer que les migrants ne sont pas sociables : 98,4% des réponses à Al Hoceïma vont dans ce sens, 88,8% à Oujda et 73,1% à Fnideq. Aussi, 94,9% à Al Hoceïma refusent l'idée d'épouser un.e migrant.e, 66,8% à Oujda et 29,4% à Fnideq. Par ailleurs, les répondants sont moins nombreux à affirmer que le nombre de personnes migrantes serait élevé à Al Hoceïma (5,4%), qu'à Oujda (35,3%) et Fnideq (64,1%). Beaucoup de jeunes ont affirmé avoir des amis migrants à Al Hoceïma (97,1%), en avance sur Fnideq (41,8%) et Oujda (20,7%). Ils ne sont pas non plus fermés à l'idée d'avoir un.e migrant.e pour voisin.e (99,5% à Al Hoceïma, 97% à Oujda, 73,1% à Fnideq). Mieux connaître les idées reçues à déconstruire Ces résultats ont permis de formuler des recommandations sur la mise en place de campagnes de «communication et de sensibilisation à l'attention des jeunes portant sur des représentations justes et réalistes de la migration». L'importance d'une «communication à l'attention des élus et fonctionnaires sur l'interculturalité, les bienfaits et les opportunités de la migration» a également été soulevée, pour «renforcer l'inclusion de la migration au niveau local» ainsi que «les capacités et les compétences professionnelles des acteurs associatifs, pour une meilleure prise en charge et accompagnement des migrants». D'ailleurs, l'étude entre dans le cadre de la campagne «Migrations sans clichés» spécifiquement dans le contexte de la crise sanitaire liée au nouveau coronavirus. L'objectif est de donner une idée «juste et réaliste» de la perception de la migration, tout en luttant contre les stéréotypes visant les migrants et en proposant «des solutions pour la construction d'un narratif positive sur la migration». Il s'agit aussi de «renforcer les capacités des trois communes dans la prise en charge de la question migratoire». Le choix de ces trois villes n'est pas fortuit, puisqu'elles connaissent des réalités migratoires qui font désormais partie de leur quotidien. «Oujda connaît une installation de personnes en migration depuis plusieurs années, alors qu'Al Hoceïma et Fnideq comptent une population migrante en faible nombre et en forte mobilité», indique-t-on. Le chef-lieu de l'Oriental vit «une pression migratoire depuis deux décennies, ce qui, par conséquent a créé naturellement des interactions-relations permettant ainsi une meilleure connaissance des migrants comparativement aux deux autres villes de l'étude». La circulation des fausses informations a un grand poids La situation est différente à Al Hoceïma et à Fnideq en termes la sociabilité. Les deux villes «ne connaissent pas une grande présence spatiale et sociale des migrants». Elles ont donc «une idée favorable de la sociabilité des migrants alors qu'à Oujda, c'est le contraire», puisque la pression migratoire s'accompagne de «tensions qui structurent la complexité du phénomène migratoire», notent les données de l'étude. La perception stéréotypée des migrants par les jeunes dans ces régions s'explique aussi par «le manque de source d'informations fiables autour de cette thématique». Selon l'étude, les réseaux sociaux (Facebook et Whatsapp) font circuler des rumeurs, qui deviennent les premières sources d'informations des jeunes sur la question migratoire. «WhatsApp et Facebook sont les sources d'informations pour 85,6% des interrogées dans les trois villes, alors que les expériences personnelles ou les observations directes ne représentent que 5% à Oujda et 1% à Al Hoceïma comme source d'information», soulignent les auteurs. Pour eux, «cette prédominance du canal digital pèse sur la qualité» des contenus en circulation et de ce fait, «l'absence de précautions prises sur l'exactitude de l'information et sa source peuvent facilement alimenter de la désinformation sur les migrants». En termes de méthodologie, cette étude se base sur une approche dynamique, qui croise des données qualitatives et quantitatives. Dans une deuxième étape, les populations cibles comprennent aussi le personnel et élus des communes, pour une enquête menée en ligne au cours du dernier trimestre de l'année 2020.