Au Maroc, les journalistes demeurent souvent des «victimes de harcèlement judiciaire», selon le dernier classement de Reporters dans frontières (RSF) relatif à la liberté de la presse dans le monde. Le royaume a perdu trois places, passant à la 136e position, dans un contexte international marqué par un resserrement de l'éteau sur la presse. Sur 180 pays, le Maroc est désormais 136e en termes de liberté de la presse, reculant ainsi de trois places. Dans son classement mondial pour l'année 2021, Reporters sans frontières (RSF) a indiqué, mardi 20 avril, que le royaume s'est classé 133e l'année dernière. Ce recul est dû au fait que les journalistes et médias marocains «continuent d'être victimes de harcèlement judiciaire», selon l'ONG internationale, qui fait état de «pressions judiciaires contre les professionnels de l'information». «Outre les procès qui se poursuivent depuis des années contre plusieurs acteurs des médias, de nouvelles actions en justice ont été intentées contre les journalistes, les impliquant dans des affaires de mœurs», a analysé RSF. Dans la partie qui concerne le Maroc, Reporters sans frontières note que «le déroulement des procès, la surmédiatisation et la diffamation qui accompagnent ces procès privent la victime et l'agresseur présumé de quelques-uns de leurs droits». L'ONG considère ces procédés comme une «instrumentalisation récurrente de la parole des femmes dans ces affaires judiciaires». «De lourdes condamnations ont été prononcées et plusieurs journalistes et citoyens-journalistes restent incarcérés», rapporte la même source. Le baromètre de RSF relatif aux journalistes professionnels incarcérés à travers le monde retient que trois d'entre eux le sont au Maroc, en plus de quatre journalistes citoyens. Dans ce contexte, l'ONG évoque «des peines sévères» précédemment prononcées. Les professionnels concernés sont l'ex-directeur de publication du quotidien arabophone Akhbar Al Yaoum, Taoufik Bouachrine, condamné en appel en 2019 à 15 de prison ferme pour «traite d'êtres humains», «abus de pouvoir à des fins sexuelles» et «viol et tentative de viol», l'ancien rédacteur en chef du même journal, Soulaimane Raïssouni ainsi qu'Omar Radi, tous deux placés en détention dans le cadre d'affaires en cours. Les auteurs du rapport estiment que les charges retenues sont «sans rapport avec leur travail journalistique» et soulignent des audiences «systématiquement reportées», en plus de «demandes de mise en liberté provisoire généralement refusées». Dans le cas de Raïssouni et de Radi, RSF fait état d'un placement en détention provisoire, d'une durée respectivement de huit et de onze mois, avec pas moins de 10 demandes de mise en liberté provisoire rejetées. Des grèves de la faim qui mettent en danger la santé des détenus Reporters sans frontières a également évoqué les grèves de la faim observées par les journalistes emprisonnés, qu'elle considère «victimes d'un système judiciaire inique». «Ces journalistes ont dû mettre leur vie en danger en entamant une grève de la faim pour soutenir leur droit à un procès équitable», a noté le rapport. C'est le cas de Soulaimane Raïssouni depuis le 8 avril et d'Omar Radi, un jour plus tard. Le cas de Maâti Monjib est également cité, rappelant sa remise en liberté sous conditions, fin mars, après 19 jours de grève de la faim et trois mois de détention préventive. Maroc : «La vie de Maâti Monjib est en danger», alerte le comité de soutien Au niveau régional, la Tunisie arrive en tête du classement des pays du Maghreb. Elle est suivie de la Mauritanie (94e mondiale), du Maroc (136e), de l'Algérie (146e) et de la Libye, dernière de la région et 165e dans le monde. «En raison du harcèlement constant des journalistes et des médias en Afrique du Nord, trois des pays de la région – le Maroc, l'Algérie et la Libye – continuent d'être marqués en rouge ou en noir sur la carte mondiale de la liberté de la presse», leur situation étant «mauvaise» ou «très mauvaise», selon RSF. Au niveau international, la Norvège est classée première, tandis que la Finlande a conservé sa deuxième place et la Suède a repris sa troisième position, perdue l'année dernière face au Danemark. Le classement mondial est clôturé avec le Turkménistan (178e), la Corée du Nord (179e) et l'Erythrée (180e). Ce classement traduit globalement un recul des libertés dans le monde, puisque Reporters sans frontières indique que sur les 180 pays concernés, seuls 12 sont en mesure de fournir un environnement propice au journalisme, ce qui ne représente que 7% du total des pays dans le monde, au lieu de 8% en 2020.