Les demandes de mettre un terme aux baisemains et à la prosternation viennent d'être remises en selle par Ahmed Raissouni. Un religieux qui entend se positionner comme le «Qardhaoui» marocain. Ahmed Raissouni, l'ancien président du MUR (Mouvement unicité et réforme), la matrice du PJD, vient de tirer à boulets rouges sur le cérémonial de la prosternation devant le roi. Une pratique qui se montre coriace et refuse de céder le moindre iota. La vague de nomination, le 11 mai, de nouveaux wali et gouverneurs a remis en selle les critiques sur une vieille tradition bien ancrée dans l'histoire et la société non pas du Maroc mais de toute la région arabo-muslmane. «La prosternation devant les monarques, au même titre que le baisemain, est l'une des manifestations d'un certain courant de la pensée islamique, fortement soutenu par les religieux, basée sur une soumission aveugle et totale à l'imam ou au roi, qualifié de représentant de Dieu sur terre. Ces idées ont été répandues par la première dynastie, les Omeyades, dans l'histoire de l'islam, qui a gouverné pendant plus de 90 ans. Les autres familles qui lui ont succédé ont observé le même principe pour asseoir leurs règnes», explique Driss Ganbouri, spécialiste des mouvements islamistes. Une demande qui remonte à des années «La demande de mettre un terme à ce genre de rituel ne date pas d'hier. Bien avant Ahmed Raissouni, l'association Al Adl wal Ihassane a revendiqué la même chose. C'est même un des points à l'origine de l'échec du processus de réconciliation, début des années 90, entre les disciples de Abdeslam Yassine et le roi Hassan II. Les premiers auraient refusé le baisemain ou la prosternation devant l'ancien monarque», souligne Mohamed Darif. «Après le décès de Hassan II, des informations avaient circulé sur la volonté de Mohammed VI d'en finir avec ce cérémonial. La question aurait même été discutée au sein du conseil de la Famille royale mais apparemment sans qu'elle ait eu l'adhésion de toutes ses composantes», poursuit le politologue. Par ailleurs, des personnalités politiques, notamment de la gauche, ont appelé à la fin de ces pratiques, estimant qu'elles sont aux antipodes de la «dimension moderniste que veut se donner la monarchie», assure Darif. «Dans cette polémique, l'essentiel est de ne pas contraindre les Marocains au baisemain ou à la prosternation devant le roi. Actuellement, chacun est libre de faire ce qu'il veut. C'est une bonne initiative», conclut le politologue. De son côté, Driss Ganbouri estime qu'«avec le printemps arabe, il est temps pour une remise en question de ces cérémonials. Reste que ces pratiques ne sont pas exclusivement liées à la monarchie. Il y a d'autres petites monarchies, notamment les zaouïas soufies et certaines associations religieuses dans lesquelles le baisemain et la prosternation sont monnaie courante et suscitent peu de commentaires». Raissouni ou le Qardhaoui marocain La nouvelle sortie médiatique d'Ahmed Raissouni n'est pas dépourvue de calcul politique. Une source au PJD soutient que l'ancien président du MUR (Mouvement unicité et réforme) entend se positionner comme «le Qardhaoui marocain, multipliant les déclarations de contestation. Sa relation avec le cheikh d'Al Jazeera sont très solides. C'est justement grâce à elle qu'il a pu accéder à la présidence de la Ligue des oulémas sunnites. Un poste qu'occupait, auparavant, Qardhaoui». Des sorties qui gênent le PJD, actuellement au gouvernement. Ahmed Raissouni est un membre fondateur du parti de la Lampe et du MUR.