C'est un vol. Purement un vol. J'accuse le consulat français de Casablanca d'avoir volé mon droit de vote ce dimanche 22 avril pour le premier tour des élections présidentielles françaises et ce, à cause d'une erreur administrative commise par ses employés qui ne m'ont pas enregistré sur les listes des votants. Je suis Franco-marocaine. Cela fait 5 ans que j'ai quitté la France pour m'installer au Maroc. Dès mon arrivée à Casablanca, je me suis enregistrée auprès du Consulat français pour pouvoir renouveler facilement mes papiers français et m'inscrire par la même occasion sur les listes électorales pour pouvoir voter lors des Présidentielles et les Législatives. Ce n'est pas possible ! Je me suis donc rendue ce dimanche 22 avril au lycée Lyautey à Casablanca pour pouvoir voter comme me l'avait indiqué un sms émanant du consulat français envoyé vendredi dernier. Une dame à l'entrée du lycée me dirige vers le bureau 6. Je remets ma carte consulaire à une jeune fille qui commence à chercher mon nom sur la liste. Elle tourne les pages. Je m'impatiente. Elle finit par me regarder et me dire que je ne suis pas sur la liste des votants. «C'est pas possible ! Un des employés du consulat de France m'a confirmé il y a plusieurs mois que j'étais bel et bien inscrite», lui lançais-je. Les gens commencent à affluer derrière moi et la jeune femme panique et me désigne le bureau des réclamations situées près du bureau du proviseur du lycée Lyautey. J'y vais et je suis surprise de voir que 4 autres personnes attendent dans une petite salle d'attente. Je leur demande pourquoi elles attendent. Elles me répondent qu'elles aussi n'ont pas pu voter car leur nom n'apparaissait pas sur la liste des votants. Dans une salle en face de nous, deux employés du consulat accueillent lentement ces gens qui n'ont pas pu voter. Un monsieur sort, complètement en colère et m'explique que sa femme et ses enfants étaient bel et bien inscrits et qu'ils ont pu voter mais pas lui. Il devra voter au second tour. Mon tour arrive. Je remets ma carte consulaire à l'employé. Je le reconnais. C'est l'homme qui m'avait reçu quelques mois auparavant au consulat de Casablanca pour renouveler mon passeport français et qui m'avait confirmé que j'étais bien inscrite pour les Présidentielles et les Législatives. Il vérifie mon nom sur son ordinateur. Une autre employée du consulat n'arrête pas de se plaindre : «Il est presque 15 heures et je n'ai pas encore déjeuné. Je suis en hypoglycémie. A cette allure, je vais déjeuner à l'heure du goûter !», lance-t-elle devant des personnes en colère de ne pas voter. Un homme assit près de moi me regarde et lâche : «Il y a des personnes qui ne peuvent pas voter à cause d'une erreur du consulat et elle, ne pense qu'à déjeuner !». Vous voterez au deuxième tour ! L'employé chargé de mon dossier me dit qu'il ne comprend pas pourquoi je n'apparais pas sur les listes alors que je suis bien inscrite au Consulat depuis 2007 et qu'il devrait ne pas y avoir de problème. Il appelle une de ses collègues du consulat au téléphone qui à son tour vérifie. Il raccroche et finit par me dire que je suis inscrite sur les listes de Nantes et que je ne peux pas voter au Maroc. Je suis choquée dévorée par la colère. Le sang ne fait qu'un tour dans mon corps. Je suis prête à exploser folle de rage. Je tente néanmoins de garder mon sang-froid. «Je vous le redis Monsieur, je vis au Maroc depuis 5 ans et je suis bien inscrite sur les listes puisque j'ai reçu votre texto et vous-même vous m'avez confirmé que je suis inscrite il y a plusieurs mois de cela», lui dis-je d'un ton sec. «C'est une erreur administrative de la part du consulat. Vous pouvez faire une recours si vous le souhaitez», me répond-il. Pour faire ce recours, il faut remplir deux formulaires avec mes détails personnels et ajouter mon numéro de téléphone. Ces documents sont ensuite envoyés au tribunal de première instance de Paris qui devra décider si oui ou non la personne peut voter pour le premier tour ce dimanche. Les employés du consulat ont pour mission ensuite d'appeler ces personnes pour les inviter à voter. A l'heure actuelle, je n'ai reçu aucun appel, encore plus folle de rage. Je suis hors de moi. Cela fait 5 ans que j'attends de pouvoir utiliser mon vote afin de voter contre Nicolas Sarkozy qui n'a su tenir qu'un discours stigmatisant à l'égard des Musulmans et des immigrés et qui n'a que fait remonter les Français les uns contre les autres. Et aujourd'hui, on me vole le droit de pouvoir m'exprimer dans les urnes. J'ai été également choquée par la manière dont les employés se sont moqués de ma situation et de ces dizaines autres Français qui n'ont pas pu voter. Ils m'ont invité à voter au deuxième tour, sans même s'excuser de leur erreur. Je ne souhaite pas voter au second tour. Je souhaite voter au premier et au second tour. C'est mon droit en tant que citoyenne française de faire valoir ma voix aux urnes et aux deux tours. Et aujourd'hui on m'a retiré ce droit.