Autant le dire tout de suite, je n'aimerais pas être à la place de Mustapha El Khalfi. Être ministre de la Communication est pourtant une fonction qui a toujours suscité de vives convoitises. On peut marquer l'histoire d'une nation. Chez nous, le monopole de l'Etat sur les médias étant révolu et à l'ère du tout digital, qu'attendons-nous pour faire le grand saut médiatique made in Morocco ? Silence radio. Tout le monde a une idée et attend que le salut vienne des hautes sphères. Et pourtant, l'ère des consignes qui viennent d'en haut tire à sa fin. Si j'étais El Khalfi, je commencerais d'abord par intégrer cette donne. Je n'aurais surtout pas signé des cahiers des charges dans la précipitation, en imposant des quotas par ci par là, sans mettre en face les budgets qu'il faut. L'audiovisuel public, ce grand corps malade, a besoin d'une longue thérapie en profondeur, et non d'une petite cure de moralisation des programmes, pour coller à la nouvelle Constitution. Si j'étais El Khalfi, j'aurais, par souci de transparence, partagé avec l'opinion publique le verdict de la HACA portant sur le respect de la SNRT et 2M, de leurs obligations. J'aurais aussi et surtout exigé des comptes au management des deux entités. Dans des pays démocratiques, les patrons de l'audiovisuel public rendent des comptes «détaillés» au régulateur des ondes. Si j'étais El Khalfi, j'aurais lancé un véritable débat national sur la base des recommandations de l'instance «Médias & Société» pour réformer le code de la presse, la loi sur la communication audiovisuelle, réguler la Toile... Si j'étais El Khalfi, je ne me serais pas aventuré à inviter des blogueurs pour papoter sur la presse électronique. J'aurais surtout pris le temps nécessaire pour présenter une vision de la communication et des médias, où le pluralisme est l'élément fondamental. Eh oui, la vision ! Un terme magique servi à toutes les sauces dans les beaux discours ministériels. Télévision, radio, presse, cinéma, Internet... pour un pays émergent comme le nôtre, les médias sont un levier de croissance et d'enracinement de la démocratie. D'où l'urgence d'une vision globale. Le moment est venu pour faire le grand saut du Maroc 3.0. Tribune publiée sur le quotidien Les Echos dans l'édition du vendredi 13 avril 2012. Visiter le site de l'auteur: http://www.lesechos.ma/