«Le gouvernement islamiste bouleverse le paysage de l'audiovisuel», «Les directives TV font scandale», «La langue française bannie de la télé», «La réforme audiovisuelle marocaine vivement contestée», «Le PJD imprime sa marque sur l'audiovisuel marocain», «Les télévisions marocaines devront s'arabiser et diffuser les appels à la prière», «Vers l'islamisation des programmes de la télévision au Maroc»... Depuis leur publication au BO fin mars dernier, ces fameuses feuilles de route ne cessent de défrayer la chronique au Maroc, mais également à travers le monde. De l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur au magazine international Jeune Afrique, en passant par Le Figaro, le quotidien belge La Croix ou encore l'algérien L'Expression, le virage à 180° des petits écrans marocains a largement dépassé les frontières locales. Du coup, c'est toute l'image du pays qui y passe et qui est remise en question. La centaine de pages éditées par un seul ministère pèserait-elle autant que les déplacements, missions diplomatiques et rencontres en haut lieu de toute une équipe gouvernementale ? El Khalfi impatient ? Lorsqu'on sait justement les efforts que l'équipe Benkirane a dû mettre en place pour se forger «une image» cohérente à l'international démontant les clichés à l'encontre des islamistes et des ultraconservateurs, la publication de ces fameux cahiers des charges n'est-elle pas prématurée? Il est vrai que ce ne sont pas les chantiers de la communication qui manquent. El Khalfi était-il obligé de commencer par jeter son pavé dans la mare de la télévision ? Pourtant, le Code de la presse attend toujours et la réforme d'autres entreprises publiques du secteur aussi. Plus qu'une simple grille des programmes, quels sont les véritables enjeux d'un champ audiovisuel taxé d'arabophone et d'islamiste ? Jusqu'où la petite lucarne de nos salons traduit-elle l'identité plurielle d'un pays comme le nôtre ? C'est autant de question que cette refonte, pourtant nécessaire, soulève auprès de l'opinion publique, surtout quand les acteurs du secteur audiovisuel semblent se tirer dans les pattes. Laaraïchi fait son apparition «Ces cahiers des charges ne sont pas des textes sacrés». Voilà qui est dit ! Et par qui ? Bizarrement, ce n'est pas au ministre de tutelle, Mustpha El Khalfi, que l'on doit cette déclaration «tranchante», encore moins au DG de 2M, Salim Cheikh – en croisade depuis une semaine pour «dénoncer» ces nouveaux cahiers des charges – mais à Faiçal Laaraïchi. Après des semaines de polémiques, de critiques argumentées et contre-argumentées, le président du pôle audiovisuel public sort enfin de son mutisme et se confie à un site d'information arabophone de la place. «À l'heure actuelle, il y a une volonté de moderniser le paysage médiatique public, et nous nous devons tous de travailler dans ce but», estime le président de la SNRT. C'est juste ce qu'il faut en termes d'objectivité. Les déclarations de Laaraïchi sont loin du «dirigisme» et de l'«interventionnisme» évoqués quelques jours plutôt par son vis-à-vis au sein de la deuxième chaîne nationale, sur les ondes de radios privées. Alors que l'on pensait le ministre de la Communication «seul contre tous», du moins contre les professionnels, un certain nombre d'hommes politiques et l'opinion publique (inter)nationale, voilà que le top management du service audiovisuel marocain laisse entendre la possibilité d'une éventuelle révision des tant «critiqués» cahiers des charges «si» – et seulement si – «les chaînes ne parviennent pas à trouver de solutions pour répondre aux besoins». Le tir est donc rattrapable, comprendra-t-on à la lecture des déclarations de Laaraïchi. Dans ces conditions, pourquoi faire autant de «bruit» pour un média qui, jusqu'à présent, a de toute façon toujours été l'objet de critiques ? Qu'il s'agisse de la programmation annuelle ou thématique (ramadan), du type de divertissement, des dépenses budgétaires, voire de la gestion des ressources, on n'a cessé de pointer du doigt les dysfonctionnements de ce pôle public, appelé aujourd'hui à «subir» une métamorphose. Notons par ailleurs que les télés nationales, dans leur ensemble, souffrent depuis un bon moment de la migration des téléspectateurs marocains vers les chaînes satellitaires. Non que les prescriptions d'El Khalfi soient le remède-miracle pour redonner ses lettres de noblesse à ce grand corps malade qu'est l'audiovisuel national, mais il y a un champ que ces fameux cahiers des charges ont largement étoffé et qui est pratiquement passé sous le nez de nombre d'intervenants : la bonne gouvernance. En effet, l'une des principales particularités de ces documents est notamment la «réactivation» des nombreuses commissions présentes au sein du pôle : éditoriale, technique, financière, managériale... Les décisions seront prises désormais de manière collégiale, en concertation avec ces mêmes professionnels en activité. Par ailleurs, les chaînes seront appelées à rendre des comptes de manière régulière auprès du ministère de tutelle. Objectif: instaurer davantage de transparence sur nos écrans.