Le Maroc deviendrait-il le fief de la recherche médiatique au Maghreb ? On serait tenté de le croire au vu du nombre et de la mesure des évènements qu'accueille le pays en matière de métiers de l'information. Ainsi, après avoir tenu la 18e assemblée générale de la Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen (Copeam) le mois dernier, c'est au tour du portail de la société civile Maghreb-Machrek, E-Joussour - un programme du Forum des Alternatives Maroc (FMAS), d'organiser une rencontre sur le thème «Médias communautaires : pour une information citoyenne», les 27 et 28 avril. Initiée avec le soutien de l'Union européenne, cette manifestation doit réunir plusieurs acteurs des médias communautaires, activistes, professionnels et chercheurs dans le champ des médias alternatifs, représentant le Maroc, l'Egypte, la Tunisie, la Palestine et la Jordanie, mais aussi venus du Sénégal, du Canada, de France et du Brésil. Au cours de la première journée, Mohamed Douyeb, rédacteur en chef de Lesechos.ma (édité par Horizon Press, propriétaire des Echos quotidien) va faire un exposé sur l'impact des médias alternatifs sur la pratique journalistique. Le débat visera avant tout à définir le contexte, le panorama, le rôle, ainsi que les enjeux des médias alternatifs dans la région. Il sera par ailleurs question de traiter les sujets du droit à la communication, à l'appropriation des nouveaux médias par la société civile, ou, plus globalement, de l'accès à l'information. En outre, cette problématique devient de plus en plus d'actualité puisque, pas plus tard qu'en début de semaine, le ministre de la Communication El Khalfi affirmait devant la Chambre des représentants qu'un projet de loi pour la réglementation du droit d'accès à l'information était en cours d'élaboration. L'alternatif se professionnalise Le projet «Médias communautaires» table par ailleurs sur la préparation d'une feuille de route régionale, pour la démocratisation de la liberté d'expression dans la région. À terme, l'idée serait de réaliser un plaidoyer politique commun, initiant une réforme de la loi de la communication audiovisuelle dans le but de permette la création des radios communautaires. L'objectif étant de «développer les médias alternatifs communautaires, notamment les radios au Maroc», comme l'explique Imane Bounjara, chargée du projet «Médias communautaires: pour une information citoyenne». La libéralisation du champ audiovisuel national aux opérateurs communautaires serait non seulement un facteur positif de concurrentialité en matière de contenu, mais également un moyen d'encourager la structuration, voire la professionnalisation des journalistes citoyens. Ces acteurs de la société civile, qui ont pris en main l'information via le Net et surtout les réseaux sociaux, surnommés «journalistes pyjama», gagneraient ainsi à se structurer, proposant en définitive aux informés une véritable alternative d'information. C'est justement sur cela que repose le second volet de cette rencontre, à savoir le renforcement des capacités. Développer le savoir-faire favorisera la formation des acteurs de la société civile, dotés des compétences journalistiques nécessaires pour prendre le micro, qu'il s'agisse du cyberjournalisme, de la radio et encore du blogging. Pour les organisateurs, la rencontre de Marrakech sera également l'occasion de réunir le comité préparatoire de la participation Africo-Machrek, au deuxième Forum des médias libres, prévu à Rio en juin 2012. Ce rendez-vous représente une étape dans la préparation du premier forum Maghreb-Machrek des médias libres à Tunis, qui devrait se tenir en avril 2013. Les femmes de la région seront également mises à l'honneur, notamment par le biais de leur participation au Forum social femmes. Celui-ci envisage de bâtir un réseau interrégional et une plateforme à même de capitaliser sur les campagnes et plaidoyers en faveur de l'équité des genres, notamment dans les médias. Pour rappel, le projet «Médias communautaires : pour une information citoyenne», lancé en janvier dernier, avait déjà réuni au cours de la première année plus de 500 personnalités des quatre coins du globe. Ce premier travail de concertation a justement débouché sur la déclaration de Marrakech. D'où l'importance de cette étape dans l'argumentaire en faveur de la reconnaissance des médias alternatifs comme levier incontournable en matière de démocratisation. sophia akhmisse