Le portail d'information e-Joussour organise du 5 au 8 décembre à Marrakech une rencontre sur les médias communautaires. Objectif : préparer le plaidoyer pour une réforme de la loi sur la communication audiovisuelle. Autorisées dans 114 pays, les radios et télévisions communautaires sont encore interdites au Maroc. « Ce qui est sur la table aujourd'hui c'est comment faire le plaidoyer politique pour arriver à une législation qui encadre les médias communautaires », nous explique d'emblée Jamal Eddine-Naji, titulaire de la chaire UNESCO en communication et délégué de l'AMARC (Association mondiale de radiodiffuseurs communautaires). Et pour cause, les médias communautaires, aussi appelés « médias associatifs », n'ont pas encore droit de cité au Maroc. A l'origine de cette interdiction, la loi sur la communication audiovisuelle stipule dans son article 18 que pour avoir une licence, le demandeur doit être « une société anonyme de droit marocain, dont les actions représentant le capital doivent être nominatives ». En conséquence, ni les associations ni les partis politiques ne peuvent créer de chaîne de télévision ou de station-radio. Et pourtant, dans plus de 114 pays, dont tout récemment la Tunisie, les médias communautaires sont autorisés. Définir le modèle marocain Partant de ce constat, le portail d'information e-Joussour, programme du Forum des alternatives Maroc (FMAS), planche depuis le début de l'année sur le projet « Médias communautaires : pour une information citoyenne », co-financé par l'Union Européenne. Objectif : préparer un plaidoyer pour une réforme de la loi. Dans ce but, à l'occasion de la rencontre organisée à Marrakech, tout un panel d'intervenants nationaux et internationaux seront présents, pour comparer les modèles et expériences déjà existants, et ainsi mieux cerner les contenus et moyens nécessaires à la définition du modèle marocain. Les médias communautaires, Kesako ? Lancée dans les années 30 en Amérique du Nord, avant d'essaimer à travers le monde, l'apparition des radios communautaires est récente. Lorsque l'Unesco lance en 1980 une campagne de promotion de radios communautaires, l'organisation intergouvernementale propose la définition suivante : « la radio communautaire a pour but de donner la parole à ceux qui en sont privés, de servir de porte-voix aux populations marginalisées ; elle se situe au cœur du processus de communication et de démocratisation des sociétés. La radio communautaire permet aux citoyens de faire connaître leurs points de vue sur les décisions qui les concernent. Les notions de transparence et de bonne gouvernance prennent une nouvelle dimension et contribuent au renforcement de la démocratie. » Structuré autour d'une association, un média communautaire est à but non lucratif et reflète les besoins et intérêts particuliers du public auquel il est destiné. A terme, l'objectif est de porter le plaidoyer pour les médias communautaires auprès des autorités. « Les négociations avec les autorités n'ont pas encore commencé. Nous attendonc de voir le nouveau gouvernement mis en place », nous explique Imane Bounjara, chargée du projet. Mais pour Jamal Eddine-Naji, le changement est inéluctable. « Il n'y a plus de problème. L'essentiel est d'expliquer qu'il ne s'agit pas de faire des médias politiques et qu'ils reflètent les communautés », estime-t-il. Proximité et démocratisation Pour préparer le terrain, le portail E-Joussour a déjà réalisé six séminaires en régions pour sonder les attentes. Résultat des consultations : la demande et l'intérêt pour les médias communautaires ne manquent pas. « Chaque rencontre a été marquée par une forte présence. Les gens étaient intéressés. Une dynamique est en train de se créer », constate Imane Bounjara. Moyen de communication le plus facile d'accès, nécessitant moins de matériel que la télévision, et permettant de porter l'information aux populations non alphabétisées, la radio est plébiscitée. Quant aux thématiques que les associations souhaiteraient évoquer, ce sont l'écologie, les femmes ou le handicap qui sont le plus souvent évoquées. « Les associations ont des principes et des objectifs. Elles ne cherchent pas les annonceurs mais à promouvoir des valeurs humaines, de droit et développement durable » souligne Marion Bachelet, chargée de projet. Médias de proximité et participatifs par excellence, les radios et télévisions communautaires visent à apporter une information citoyenne. « Economie, social, culture, éducation : les médias communautaires traitent les b.a-ba pour une participation à la décision » explique Jamal Eddine-Naji. Non seulement en accord avec la régionalisation en cours, les médias communautaires s'inscrivent également dans un processus de démocratisation. « Autoriser les médias communautaires, c'est tout simplement donner la voix aux gens », conclut Marion Bachelet.