Après deux années d'interruption, le Festival Gnaoua Musiques du monde est revenu, sous une forme nouvelle, un Festival Tour éclaté sur quatre villes, Essaouira, Marrakech, Casablanca et Rabat. Pour son ouverture, le Tour à Essaouira a, comme de coutume, organisé une table ronde sur le soft power qui, comme chacun sait, est essentiellement fondé sur la culture. La présence active et engagée du ministre de la Culture Mehdi Bensaïd à la parade d'ouverture, la veille, a ainsi été remarquée et appréciée. En ouverture de la table ronde, la présidente et fondatrice du Festival Neila Tazi, visiblement heureuse, a expliqué et exposé la puissance du soft power, la culture étant un instrument de puissance et un outil d'influence, donnant comme exemple le cas de la Corée du Sud, dont l'ambassadeur était présent dans le panel, et qui a su s'imposer comme puissance culturelle incontournable, avec les résultats enregistrés sur son rayonnement à l'international. Quatre intervenants intervenaient, donc, chacun à partir de sa position, chacun avec ses mots et ses arguments. Ainsi, pour Khalil Hachimi Idrissi, patron de la MAP et président des Compagnons de Gutenberg, le soft power ne peut être réduit à une simple forme de lobbying, activité connue, ayant pignon sur rue… Il se fonde sur une culture, une civilisation, comme la civilisation marocaine. Le soft power existe, vit et prospère, subliminalement, et se décline dans l'artisanat, la gastronomie et cette valeur très marocaine qui est l'hospitalité. Ainsi, quand la diplomatie classique atteint ses limites, ce sont d'autres aspects, des domaines nouveaux qui prennent la relève et sont généralement qualifiés de diplomaties parallèles. La reprise des relations entre Rabat et Tel Aviv, par exemple, est une parfaire illustration d'un soft power, d'une influence qui, derrière la proximité culturelle et la complicité historique, peut concourir et contribuer à rapprocher les points de vue au Moyen-Orient et, in fine, à trouver la voie pour une paix durable et juste. Pour Khalil Hachimi Idrissi, il appartient au gouvernement d'augmenter sensiblement le pouvoir de la culture et de permettre la mise en service, en marche, voire même en ordre de bataille d'une diplomatie plus forte, plus active. Pour la spécialiste de l'art Myriam Sebti, directrice du magazine d'art contemporain Diptyk, il faut certes se réjouir de la notoriété mondiale des artistes marocains dit de l'Ecole de Casablanca, mais ils sont aujourd'hui pour la plupart décédés. La place revient donc aux jeunes talents qui émergent et qui gagneraient et feraient gagner le Maroc à être plus connus, plus soutenus. Pour elle, il faut créer une modernité marocaine, abstraite, se fondant sur les arts et artisanats. Prenant la parole à son tour, l'ambassadeur de Corée du Sud au Maroc Keeyong Chung a expliqué ce qu'est la culture coréenne et comment elle s'est développée sur ces 10 à 20 dernières années, au moyen entre autres et pour une grande partie de la K-pop. Pour le diplomate, la culture dans son pays est également un produit touristique et représente le second poste d'exportation du pays. Mais il a aussi indiqué que le soft power de son pays s'appuie sur un « hard power » conséquent, à commencer par un PIB figurant parmi le Top10 mondial et porté par une industrie puissante et une recherche et développement soutenue. Le diplomate a aussi recommandé de se pencher sur l'Histoire et la convocation de la mémoire des temps d'occupation qui appartiennent au patrimoine des deux pays que sont la Corée et le Maroc. Il faut, pour ce faire, revenir aux archives, pour les recueillir, les traiter, les étudier et en faire un sujet de force. Intervenant depuis la France où il se trouve et qu'il n'a pu quitter pour de sombres questions administratives, le dirigeant socialiste Julien Dray a expliqué la nécessité d'un soft power puissant pour contrer la domination agressive des plateformes numériques américaines. En France, dit Julien Dray, les collectivités territoriales remplacent l'Etat et le supplantent sur un volume considérable d'activités culturelles. Le débat nourri avec la salle a permis de connaître plusieurs opinions ou expériences, de Finlande à Israël, en passant par les Etats-Unis d'Amérique, chacun exposant sa façon de voir et argumentant sur les différentes manières pour le soft power, donc essentiellement la culture, de contribuer au développement et au rayonnement d'une nation. De sa nation.