Cela fait de années qu'il déverse sa bile, Nabil, avant de se décider et d'oser se montrer habile, et surtout utile. Toujours volubile, il pilonne depuis plusieurs années le gouvernement dont son parti fait pourtant partie depuis 21 ans, la moitié pour lui-même. Mais il est comme ça, le chef des camarades, un pied ici, l'autre là, l'esprit ailleurs, toujours en maraude. Cette fois, les conditions sont réunies pour faire le grand bond en avant, et claquer la porte d'un gouvernement claquemuré derrière ses contradictions, ses convulsions, ses contusions, ses con… Aujourd'hui, l'heure est grave, elle a sonné, et le PPS a tonné, et même étonné ! Le chef de l'Etat a dit clairement et tout haut, dans son discours du 29 juillet, ce que l'opinion publique dit tout aussi clairement et tout aussi haut, avec l'énervement en sus : ce gouvernement doit changer, dans le sens de l'efficacité, de l'homogénéité, de l'audace et de la cohérence. Son chef, Saadeddine Elotmani, le sourire éternel ornant son visage, a dit qu'il avait compris et que l'espérance en un monde moins immonde était désormais de mise, mais oui. Et que pensez-vous qu'il arriva ? Ce fut l'espoir qui creva. MM. Elotmani, Akhannouch, Lachgar, Sajid, et Laenser ont multiplié les réunions pour mettre au point une autre répartition du même gâteau. Ils devaient remettre leur copie au roi début septembre. Nous sommes début octobre et il est fortement permis de nourrir des doutes sur la capacité de ces dirigeants à faire œuvre pie. Nabil Benabdallah, aussi grand commis de l'Etat que grand prestidigitateur du verbe, a fini par se lasser, puis laisser exploser sa colère, face aux actes de ses « amis » de la majorité à son égard. Avec des amis pareils, pourrait-il dire, pas besoin d'ennemis. Mais il faut lui reconnaître une certaine constance dans ses positions : se maintenir contre vents et marées dans un gouvernement auquel il injecte, parfois, un peu de bon sens. Comme pour l'affaire des personnels de maison et sa clause sur les enfants de 16 ans, qu'il avait imposée à Abdelilah Benkirane, et qui avait permis de surmonter une crise. Hier encore, il avait souvent joué à se faire peur, se faisant parfois vraiment peur… Aujourd'hui, Nabil a rué dans les brancards en affichant une position (courageuse pour un politique local) sur l'affaire Hajar Raïssouni et sur la question des libertés individuelles. Ailleurs, ce ne serait pas grand-chose, au Maroc, c'est énorme. Aujourd'hui, aussi, on dit qu'il a été ulcéré par son mépris par les autres composantes de la majorité. Non, explique-t-il, convaincant, c'en est trop, le gouvernement va à vau-l'eau et sombre dans l'océan des petits calculs, des petites combines et des grandes envolées sur le ton du « on a compris ». Le PPS quitte donc le Potemkine gouvernemental. Oh certes, il y a toujours du calcul politique chez un politique, mais l'art est de calculer juste, évitant le naufrage pour s'en mieux aller chercher les suffrages. C'est ce que semble faire le volubile et toujours énervé Nabil, se mettre en maraude pour s'assurer des voix aux scrutins à venir. Et l'avenir crachera le morceau.