A travers une interview accordée à l'agence de presse chinoise, le politologue Eddy Fougier affirme que grâce à la colère sociale en France, le RN a pu arriver premier aux Européennes dimanche dernier. « Beaucoup de Français ont voulu voter contre Macron lors de ce scrutin. Et le meilleur moyen d'exprimer sa colère contre Macron est de voter pour le parti qui peut battre la liste de la majorité présidentielle », a-t-il expliqué. L'extrême droite française est ainsi devenue un débouché naturel pour les colères exprimées par une partie des « gilets jaunes », même s'ils n'étaient pas nécessairement nationalistes, a commenté M. Fougier. Le politologue justifie son analyse par une enquête Ipsos qui indique que le RN a été le grand bénéficiaire politique du mouvement des « gilets jaunes ». D'après cette enquête, 38 % des personnes interrogées qui se disent proches des gilets jaunes et 44 % de celles qui s'en disent très proches ont opté pour la liste RN. « Cette colère sociale a nourri la victoire du RN », a dit le chercheur à l'institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Une réplique des présidentielles 2017 Ce scrutin est la confirmation de la configuration politique née de la présidentielle de 2017. Car comme à la présidentielle, le RN et le LREM sont arrivés en tête aux européennes, avec des résultats qui ont assez peu évolué. Selon M. Fougier, la nouveauté par rapport à l'élection présidentielle, c'est l'effondrement des scores de la droite (-11,5 points) et de LFI (-13 points). « Il y a donc cette confirmation de la rupture qui s'est produite en 2017, et avec une poursuite de l'effondrement des partis traditionnels le PS, LR et même la gauche radicale, LFI », a-t-il affirmé. Par contre le chercheur ne pense pas à une fin des clivages Droite/Gauche qui a longtemps marqué la vie politique française. « Je crois qu'il est encore tôt de parler de la fin des clivages d'autant que la surprise de cette élection est la réémergence d'un courant fort du côté des écologistes. Et on voit bien dans les déclarations de Yannick Jadot, leader EEL, qu'il veut restructurer la gauche », a-t-il expliqué. Le succès des écologistes n'est pas une surprise Sur les raisons de cette percée du parti écologiste à ces élections, M. Fougier rappelle qu'il s'agit d'un phénomène assez répandu en Europe. Par exemple, en Allemagne, les écologistes sont arrivés devant les socio-démocrates, en Irlande ils ont fait des scores importants. Au total les partis écologistes auront près de 70 députés au Parlement européen, a rappelé le chercheur, qui explique dans la foulée la percée des écologistes en France par une véritable prise de conscience de la gravité des enjeux environnementaux. « Il y a l'émotion suscitée par la démission de Nicolas Hulot qui a déclenché un mouvement de citoyens, comme la pétition lancée par des ONG pour traduire l'Etat en justice, parce qu'il ne respecte pas ses engagements sur le climat », a indiqué M. Fougier. A cela s'ajoute, une prise de conscience assez forte, notamment chez les jeunes qui ont décidé d'agir face à la menace du changement climatique, en votant pour le parti qui porte la question écologiste, d'où ce score très élevé des écologistes, a expliqué le politologue.