72 heures après la victoire du PJD aux élections législatives du vendredi dernier 7 octobre, le roi Mohammed VI a reçu le chef du gouvernement sortant et chef du PJD dans son palais royal de Casablanca et l'a chargé,aux termes de l'article 47 de la constitution, de former un nouveau gouvernement. Abdelilah Benkirane était accompagné de Mustapha Ramid, ministre de la Justice et des libertés et coprésident de la Commission de suivi des élections.
Plusieurs scénarios sont désormais possibles, mais ils doivent être examinés en fonction de la personnalité particulière d'Abdelilah Benkirane. S'il est d'ores et déjà acquis que le PJD restera l'allié du PPS de Nabil Benabdallah, et qu'il existe de fortes chances de s'adjoindre les 27 élus du MP, nous aurons donc une alliance de départ de 164 députés, alors même qu'il en faut au moins 198 pour obtenir la majorité de la nouvelle Chambre des représentants. Il restera donc, pour atteindre la majorité, à s'allier avec le RNI ou l'Istiqlal. Scénario 1 : Avec le RNI (37 députés), la majorité sera de 201 députés. Mais il n'est qu'à se rappeler des moments très durs de tensions et de crispation passés dans le gouvernement sortant entre les ministres RNI (Mezouar et Boussaïd) et Benkirane pour prendre la mesure de la complexité de la tâche de reconduire l'alliance entre les deux formations. De plus, le président Salaheddine Mezouar est démissionnaire, et doit donc attendre le congrès extraordinaire qui devra être convoqué pour la fin de l'année. Dans l'intervalle, toute décision sera gelée au sein du RNI, ce qui l'exclut presque de facto d'une future coalition. Scénario 2 : Avec l'Istiqlal (46 députés), et tout porte à croire que ce parti acceptera l'offre de Benkirane de rejoindre sa majorité. Les deux chefs Hamid Chabat et Abdelilah Benkirane, malgré les attaques mutuelles lors de la campagne législative, se sont envoyé plusieurs signes d'apaisement ces derniers mois. Mais les choses ne sont pas aussi simples que cela car dans le passé, Benkirane avait qualifié Chabat de menteur et avait insinué sa malhonnêteté. Il sera difficile au chef du PJD de convaincre ses bases de s'allier aujourd'hui avec un tel personnage, il est vrai quelque peu sulfureux. Côté Istiqlal, les dirigeants du parti piaffent d'impatience de rejoindre le gouvernement, malgré la domination du PJD. Les Istiqlaliens ne se sont jamais remis de leur sortie intempestive de juillet 2013, et l'avaient longuement reproché à Chabat, lequel trouverait dans une participation au gouvernement Benkirane III l'occasion de faire oublier son impair d'il y a trois ans. Il restera le nombre de portefeuilles à négocier, et Chabat, sachant que le gouvernement sans lui ne saurait voir le jour, pourrait être gourmand, au point d'écœurer Benkirane. Scénario 3 : Avec le RNI et l'Istiqlal, afin d'avoir une majorité confortable de 247 élus, pour éviter que ne se reproduise le scénario de 2013, quand l'Istiqlal avait quitté le bateau gouvernemental, contraignant Benkirane à consentir des concessions à Mezouar pour sauver son gouvernement. On se rappelle néanmoins de cette phrase de Benkirane lors de son meeting électoral de Taroudant, quand il avait demandé à ses partisans de lui accorder une solide avance sur les autres partis afin de pouvoir former un gouvernement, étant entendu que dans le cas contraire, il demanderait au roi de dissoudre la Chambre nouvellement élue. Cela signifie que Benkirane ne croit pas en la totale indépendance de la décision des partis politiques marocains, l'oreille toujours ouverte à d'éventuelles instructions. Il n'y a pas de délai pour former un gouvernement et l'alliance parlementaire qui irait avec, mais si au terme de 30 à 40 jours, c'est-à-dire après la COP22, Benkirane ne parvient pas à former son gouvernement, il n'est constitutionnellement pas possible de passer au parti arrivé second, surtout que c'est le PAM, rejeté par de larges franges de la population, malgré son score de 102 voix, qui arrive après. Mais le roi aura la possibilité de désigner quelqu'un d'autre au sein du PJD, avant de se résoudre, en cas d'impasse maintenue, à décider la dissolution et à appeler à de nouvelles élections.