On le sait depuis le début, ou du moins on le suppose, la coalition gouvernementale actuelle est bancale… Cela a été démontré en grandeur nature lors de la première épreuve subie par l'alliance au gouvernement, en l'occurrence les formations des bureaux communaux et régionaux, en plus de l'élection du président de la Chambre des conseillers. Sollicité de toutes parts, le PJD souffle le chaud et le froid sur l'avenir de la majorité gouvernementale, faisant répondre la chose et son contraire par ses dirigeants. Quand qu'on l'interroge sur la question, le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane affirme que tout va bien. Il reconnaît certes que des tiraillements ont lieu ici et là, mais il prend toujours garde à minimiser les dissensions, qui existent pourtant, et se compliquent et se durcissent. Or, on sait bien qu'en dehors du PPS de Nabil Benabdallah qui semble jouer les jeux d'alliance et observer une discipline de bloc, les autres partis de la majorité se comportent en électrons libres. Interrogé sur la question, un dirigeant de la « majorité », qui a demandé à ne pas être cité, a répondu à PanoraPost que « notre véritable ennemi n'est pas le PAM, mais bel et bien le PJD ! Ce parti veut occuper toutes les fonctions et les institutions, et son projet est, effectivement, de mener la société vers une islamisation en douceur ». Le parti de cette source siège pourtant au gouvernement, déclare son soutien à la majorité mais vote différemment… Benkirane diplomate mais manœuvrier Hier encore, sur al Arabiya, Abdelilah Benkirane a affirmé que les partis de la majorité ont pu maintenir la logique de coalition « entre 60 et 70% » lors de la formation des conseils communaux et régionaux. Et pourtant, l'alliance gouvernementale a perdu les régions de Casablanca-Settat et de Tanger-Tétouan. Et signe des temps, lors de la même émission, le chef du gouvernement a développé l'argument suivant : « Nous avons préservé la coalition jusqu'à aujourd'hui encore quand nous avons décidé de présenter, au nom des quatre partis, un candidat de l'alliance ». Benkirane savait bien qu'Ouâmmou n'avait aucune chance alors même que le MP, participant du gouvernement, avait annoncé son intention de voter PAM, et que le RNI ne s'en cachait que mollement. Abdelilah Benkirane ajoute que « jusqu'à présent, cette coalition au gouvernement travaille dans la sérénité (…). Pourquoi changer une équipe qui gagne ?, mais d'ici aux prochaines élections, Dieu disposera des choses »… Une manière de dire que tout reste possible… Par ailleurs, et selon le quotidien al Massae, le chef du gouvernement aurait demandé aux gens de l'Istiqlal venus solliciter son soutien (en temps que chef de la majorité) pour leur candidat Abdessamad Qayyouh de déclarer leur rupture avec Chabat afin d'obtenir les votes de l'alliance gouvernementale et le rapprochement avec le PJD. Ni Benkirane, ni le PJD ni l'Istiqlal n'ont démenti, eux jours après la parution de cet article… Les choses se précisent, donc… Depuis l'appel du pied de Chabat au gouvernement, à la veille de l'élection des présidents de Régions, il semblerait que l'on s'achemine vers la formation d'une autre coalition de fait, en vue des législatives 2016, réunissant le PJD, le PPS, l'Istiqlal et l'USFP, et rejetant le RNI et le MP dans leur place naturelle qui est à côté du PAM. Hamieddine plus direct Et puis arrive Abdelali Hamieddine, l'un des dirigeants les plus en vue du PJD et nouveau conseiller à la deuxième Chambre. Voici ce qu'il écrit sur son mur Facebook : « La Chambre des conseillers a élu son président, et l'affrontement a eu lieu entre deux groupes de partis. D'un côté l'Istiqlal, le PJD, le PPS et l'USFP, en plus de nos syndicats, et de l'autre, le MP, le RNI, l'UC et des syndicats jaunes… Nous en avons bavé pour arriver à cette situation où les choses se clarifient nettement enfin entre un bloc de partis issus de la volonté populaire et d'autres appartenant au camp absolutiste et dominateur ». Le ton est moins conciliant que celui de Benkirane, d'où une certaine distribution des rôles entre chefs du PJD. Certains médias, réputés proches du PJD, reprennent pour leur part à leur compte les termes de « félonie », « trahison » et « déloyauté » pour le RNI de Mezouar (et Mezouar lui-même) et aussi pour le MP de Laenser, et bien évidemment Laenser en personne. La charge est sonnée. Ce qui se dégage alors est que les lignes bougent, qu'il est plus que probable que cette année électorale qui commence, avec comme point de mire les législatives de 2016, aille dans le sens d'un éloignement du RNI et du MP du PJD pour se rapprocher du PAM, alors que l'Istiqlal et l'USFP font le chemin inverse. Il restera à régler les cas de Lachgar et surtout de Hamid Chabat qui a une animosité personnelle envers le chef du gouvernement, qui le lui rend bien. Toujours est-il que Hamieddine conclut son statut Facebook par cette phrase : « Le moment est historique, pour que tout le monde tire les leçons adéquates, et que l'on réfléchisse à un agenda national pour la lutte démocratique, avec des positions plus claires et plus loyales ». Et les autres... Quant à Nabil Benabdallah, depuis quelques années soutien inconditionnel de son « bienfaiteur » Benkirane, il n'a pas tari de reproches contre le RNI et le MP qu'il avait accusés de manquer de sérieux et d'avoir « trahi » le pacte de la majorité. Pour sa part, le député et dirigeant istiqlalien Abdallah Bakkali a déclaré souhaiter que pour les législatives 2016, les quatre partis que sont le PJD, l'USFP, le PPS et l'Istiqlal forment une alliance car « le PAM, quand il veut obtenir quelque chose dans ce pays, il y arrive par tous les moyens, démocratiques ou non ». Le grand départ pour les urnes 2016 est donné, et le ton aussi… Une distribution des rôles au sein du PJD et des autres partis est de plus en plus évidente, voire même un double jeu.