Il paraît qu'en ces temps où la migration est un fléau qui s'impose avec force, une paisible entente s'est ancrée il y a longtemps à Kénitra entre les humains et les cigognes, engendrant un modèle exemplaire de cohabitation. Ces oiseaux envahisseurs, habituellement migrateurs, se sont installés depuis des décennies dans cette ville, anciennement nommée Port Lyautey. Bénie d'une urbanité hospitalière et d'un climat convenable, la ville de Kénitra est réputée être, sans confusion possible, parmi les sites de nidification de cigogn nes les plus connus au Maroc, tels « Dar Bellarej » à Marrakech, les vestiges de Chellah à Rabat ou encore ceux de Volubilis dans la région de Meknès. En pleine ville, il suffit de jeter un regard vers le haut, sur les lampadaires, les minarets et même entre les branches défeuillées des arbres, pour s'apercevoir de la présence éclatante de ce bel oiseau majestueux. Avec leur long bec rouge, les cigognes nichent, portent la nourriture et claquettent en produisant une sorte de symphonie aux rythmes discontinus, enchantant les passants et émaillant leur routine de brefs moments de jubilation. Toutefois les séquelles des changements climatiques n'ont pas épargné la région où les conditions écologiques étaient jadis plus favorables à ces oiseaux migrateurs, de l'avis des écologistes. Dans ce sens, Oussama Abaouss, fondateur du site Ecologie.ma, estime que le respect des zones de nidification de la cigogne demeure primordial pour préserver cette espèce. « La cigogne à Kénitra est une espèce patrimoniale qui existe sur place depuis des lustres. Paisible et plutôt discrète, elle se confond à merveille au paysage et est appréciée par la plupart des Kénitris« , a t-il souligné, ajoutant que « la région compte bon nombre d'ornithologues éminents qui peuvent réussir toute délocalisation de nids dans les règles de l'art« . Pour sa part, le président de l'association Oxygène pour l'environnement et la santé, Ayoub Krir, a relevé que le développement durable de la ville et la planification territoriale doivent tenir compte de l'aspect écologique et environnemental, appelant au respect du bien-être animal, notamment celui de la cigogne. Il a cité comme exemple le changement des lampadaires qui « doit garantir la continuité de la vie paisible de cet oiseau« . L'acteur associatif a aussi appelé à respecter la législation en matière environnementale et lutter contre la pollution industrielle qui nuit à cet oiseau. Le besoin se fait sentir également pour des réserves et des haltes migratoires aux alentours de cette région connue pour sa grande réserve naturelle de Sidi Boughaba. Il est question surtout de l'aménagement de « Oued Sebou« , du lac « Fouarat » et d' »El Marja » qui sont définis en tant que zones humides et sources de nourriture de la cigogne. S'agissant de la mise en place d'une stratégie qui fera de la marraine des oiseaux un havre de paix pour la cigogne blanche et tous les oiseaux qui y trouvent refuge, Mohamed Bouchnafa, de la Société protectrice des animaux et de la nature (SPANA du Maroc), a souligné l'impératif d'opter pour une approche participative qui rassemble les acteurs de la société civile, les chercheurs, les autorités locales et le Haut-commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification. Approché par la MAP, il a mis en garde que « la disparition de la cigogne portera un coup dur à l'histoire symbolique de Kénitra« . D'où l'importance de la préservation de cette espèce qui constitue un véritable emblème de la ville. En famille ou en couple, les cigognes sont rarement solitaires. Durant toute leur vie, ces oiseaux échassiers restent incontestablement fidèles à leur partenaire, mais aussi à une ville qui les a accueillies depuis de longues années. Mais, encore faut-il que cette ville récompense leur fidélité en prenant mieux soin d'eux ! → Lire aussi : Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima créent près de 60% de la richesse issue des activités tertiaires en 2016