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Nomad #46 : Faute de financements, la réserve naturelle de Sidi Boughaba risque la fermeture
Publié dans Yabiladi le 15 - 10 - 2017

L'un des plus beaux sites protégés du Maroc oeuvrant pour la préservation de la biodiversité fait face à des difficultés financières. La réserve naturelle de Sidi Boughaba, qui existe depuis 1992, figure parmi les dernières zones humides (marécage d'eau douce) de la côte nord-ouest du Maroc. La richesse indéniable du site a attiré environ 7 000 étudiants en 2016.
La réserve naturelle de Sidi Boughaba est située à 11 kilomètres de Kénitra, près de la plage de Mehdia. / Ph. Abdeslam Bouchafra
Ph. Wikicommons
La réserve naturelle de Sidi Boughaba, classée parmi les sites d'intérêt biologique et écologique (SIBE), est située à 11 kilomètres de Kénitra, près de la plage Mehdia. En français, la traduction de son appellation fait référence au «père de la forêt». Le site, immense, fait partie de la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale. Cette convention intergouvernementale date de 1971 et porte le nom de la ville où elle a été signée, en Iran.
«Le Maroc fait partie de la liste depuis 1980. Le pays y a inscrit quatre zones humides dont celle de Sidi Boughaba», indique à Yabiladi Abdeslam Bouchafra, directeur de la réserve naturelle. La zone humide, c'est-à-dire le lac, s'étend sur près de 113 hectares, contre 521 pour la forêt. Au total, l'ensemble de la réserve couvre 634 hectares.
Particularité de Sidi Boughaba ? «Son écosystème abrite une biodiversité très riche. Sur 430 espèces d'oiseaux au niveau national, on peut en observer 205 sur le site. La plupart se trouvent dans les zones humides», précise Abdeslam Bouchafra. «Ces zones attirent l'attention de la communauté internationale depuis très longtemps car elles ont un intérêt économique et écologique.»
La réserve naturelle est entourée de forêt. «C'est l'unique lac d'eau douce - qui vient de la nappe phréatique - et que l'on rencontre le long de la côte atlantique. Quasiment toutes les zones humides de la côte possèdent une eau salée», explique encore Abdeslam Bouchafra.
Le site de Sidi Boughaba est un refuge pour la sarcelle marbrée. / Ph. Said Mrigua
Un patrimoine à transmettre
Certaines espèces menacées de disparition à l'échelle internationale transitent par Sidi Boughaba. C'est le cas de la sarcelle marbrée, qui y migre en grand nombre pendant la période de migration. «C'est notre espèce mascotte. Actuellement, deux ou trois couples nichent à Sidi Boughaba», se réjouit le directeur de la réserve naturelle. La forêt est un vestige d'une ancienne forêt qui couvrait la côte atlantique marocaine, notamment la partie nord-ouest. «C'est un patrimoine naturel qu'il faut protéger.»
Cette réserve joue un rôle important dans l'éducation. Depuis 1992, la Société protectrice des animaux et de la nature (Spana), en partenariat avec le Haut Commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD), a permis de «construire et faire fonctionner le premier Centre national d'éducation environnementale du Maroc».
Grâce à une convention avec le ministère de l'Education nationale, des groupes scolaires issus du primaire ou du secondaire viennent pendant une journée pour être sensibilisés à la nature, et en particulier aux zones humides. Avant 2012, le centre recevait entre 12 000 et 14 000 élèves par an. «En 2016, nous en avons accueilli entre 6 000 et 7 000», indique Abdeslam Bouchafra.
Le Centre national d'éducation environnementale à Sidi Boughaba. / Ph. Abdeslam Bouchafra
Des difficultés financières qui compromettent l'avenir du centre
La Spana, qui finance le centre depuis 1992, a commencé à rencontrer des difficultés financières à partir de 2012. Depuis, les visites ne sont plus gratuites pour tout le monde. «Avant, la Spana assurait gratuitement le transport. Dorénavant, nous avons deux programmes : l'un avec les écoles publiques, qui doivent trouver un moyen de transport mais auxquelles nous offrons le matériel didactique comme les télescopes. Les académies régionales leur désignent un encadrant formé par le centre.»
Le second programme concerne les écoles privées. «Deux animatrices du centre s'occupent de l'animation en échange d'une contribution de 15 dirhams par élève», explique le responsable. L'argent est reversé sous forme de dons à la Spana et permet de régler les frais des animateurs.
Pour le grand public, un programme de sensibilisation existait avant 2012, mais seulement les week-ends et jours fériés. «Nous pouvions avoir entre 10 000 à 12 000 visiteurs l'année. Les animateurs leur faisaient visiter une exposition interactive, ajoute Abdeslam Bouchafra. Malheureusement, le centre n'a plus les moyens d'ouvrir les week-ends et jours fériés. La semaine est donc consacrée aux groupes scolaires.»
«Les fonds se font de plus en plus rares. Jusqu'à présent, le financement de ce centre était assuré par notre partenaire anglais, la Spana Grande-Bretagne, mais on craint fort d'être un jour obligés de mettre la clé sous la porte.»
Un budget est en train d'être signé pour 2018 mais «rien n'est sûr. Nous n'avons pas de visibilité au-delà de cette date». Abdeslam Bouchafra déplore également le volet législatif sur la reconnaissance légale des réserves naturelles : «Il faut des textes de lois qui précisent ce qu'est une réserve naturelle pour que des restrictions soient mises en place. Le Maroc a attendu 2012 pour faire passer cette loi, qui prévoit la création de réserves naturelles et biologiques, mais elle est bloquée parce qu'il n'existe pas d'arrêté d'application.»
La Société protectrice des animaux et de la nature est une association marocaine qui œuvre pour l'éducation à l'environnement et à la protection de la biodiversité. Elle assure la protection des animaux domestiques de travail tels que l'âne, le mulet, le cheval et les animaux de compagnie. L'ONG assure les soins gratuitement et les opérations des animaux maltraités de personnes démunies. Le centre de Sidi Boughaba accueille et héberge également des chats et des chiens abandonnés.


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