Le Maroc connaît depuis plusieurs mois une vague de révélations et de procès impliquant des personnalités politiques, des fonctionnaires et des parlementaires soupçonnés de corruption, de dilapidation et de détournement de fonds publics. Selon le journal Assabah, qui a consacré son édition du week-end des 27 et 28 janvier 2024 à ce sujet, une nouvelle série de suspects, dont un député, sont actuellement devant la justice ou sous le coup d'accusations. La région du Gharb est particulièrement visée par les enquêtes. D'après la source, au moins 20 personnes ont déjà été mises en examen pour corruption et abus de pouvoir dans cette région. Parmi elles, un député qui occupe également le poste de président de la commune de Sidi Yahia Gharb. La liste des suspects comprend aussi des élus locaux, des entrepreneurs et des responsables administratifs chargés de l'attribution des marchés publics, ajoute le quotidien. Les faits reprochés concernent principalement le détournement de fonds publics destinés au développement local. A Mechra bel Ksiri, une commune de la région du Gharb, les enquêteurs ont auditionné et placé en garde à vue des élus, des entrepreneurs et des prestataires de services. Mais la région du Gharb n'est pas la seule touchée par le fléau de la corruption. Au niveau national, plusieurs dizaines d'élus et de responsables locaux ont été inculpés pour des infractions diverses, parfois graves. Au moins une douzaine de députés sont actuellement en détention pour différents motifs. Il s'agit de dossiers judiciaires qui risquent de se prolonger pendant des mois. La justice s'est notamment emparée de l'affaire dite du « Malien », du nom d'un homme d'affaires originaire du Mali qui aurait versé des pots-de-vin à des responsables marocains en échange de contrats et de faveurs. Parmi les personnalités impliquées dans cette affaire, on trouve Abdenbi Bioui, président de la région Orientale, et Said Naciri, ancien président du club de football Wydad et ancien membre du Parti de l'authenticité et de la modernité (PAM). Ces affaires de corruption témoignent de la volonté des autorités de lutter contre ce phénomène qui gangrène la société et l'économie du pays. Elles illustrent également les difficultés rencontrées par les institutions chargées de la prévention et de la répression de la corruption, qui doivent faire face à la complexité des dossiers, à la résistance des réseaux d'influence et à la pression de l'opinion publique. L'opération « main propre » engagée par les autorités vise à assainir le climat des affaires et à restaurer la confiance des citoyens et des investisseurs. Elle s'inscrit dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, lancée en 2015, qui repose sur quatre axes : la prévention, la sensibilisation, la répression et la coopération. L'opération « main propre » a connu une accélération ces derniers mois, avec la multiplication des arrestations et des poursuites judiciaires contre des personnalités politiques de premier plan. Certains y voient le signe d'un changement de cap de la part du pouvoir, qui aurait décidé de s'attaquer aux intouchables et aux intérêts établis. D'autres y voient plutôt une opération de communication, destinée à mettre en garde les potentiels fraudeurs. Quelles que soient les motivations réelles de cette opération, elle a eu le mérite de mettre en lumière l'ampleur et la gravité de la corruption au Maroc, qui affecte tous les secteurs et tous les niveaux de l'administration. Elle a également permis de révéler les failles et les lacunes du système juridique et institutionnel, qu'il faille revoir afin de garantir une bonne transparence des affaires publiques. L'opération « main propre » constitue donc un pas important dans la lutte contre la corruption, mais elle ne suffit pas à éradiquer ce fléau. Elle doit être accompagnée de réformes structurelles et de mesures concrètes, qui visent à renforcer l'Etat de droit, à moderniser l'administration, à simplifier les procédures, à promouvoir la bonne gouvernance, à encourager la participation citoyenne et à sanctionner les corrompus, plaident les organisations de la société civile.