Les chefs de la diplomatie chinois et japonais se sont rencontrés dimanche à Beijing. L'ambiance était tendue dans un contexte de confrontation sur de nombreux fronts dont celui du domaine hautement stratégique des semi-conducteurs. Nombreux sont les dossiers épineux qui étaient sur la table des deux hommes : du conflit ukrainien aux problèmes « d'espionnage » en passant par la paix et la stabilité dans la région de l'Asie orientale. Autant de questions qui enveniment les relations entre la deuxième et la troisième puissances économiques mondiales Dans des déclarations à l'issue d'entretiens de plus de 3 heures avec son homologue japonais, Yoshimasa Hayashi, le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gang, a jeté son dévolu sur les Etats-Unis, accusant la première puissance mondiale de « recourir à ses vieux tours contre la Chine ». L'entrevue est intervenue dans le sillage de la publication d'informations selon lesquelles le Japon envisage d'imposer des restrictions aux exportations d'équipement entrant dans la fabrication des microprocesseurs, rejoignant ainsi les mesures prises, dans ce sens, par les Etats-Unis et les Pays-Bas. Sans être nommée, la Chine s'estime visée par ces mesures. Vendredi dernier, le Japon a annoncé son intention de restreindre l'exportation de 23 types d'équipements de fabrication de semi-conducteurs. La décision a suscité la colère de Beijing. Lire aussi : Semi-conducteurs : la Chine lance une procédure contre les Etats-Unis à l'OMC La Chine a pointé du doigt ce qu'elle a qualifié de tentative de « politiser, instrumentaliser et militariser les questions commerciales et technologiques ». « Politiser, instrumentaliser et militariser les questions commerciales et technologiques et déstabiliser les chaînes industrielles et d'approvisionnement mondiales ne profitera à personne », avait dit, en substance, la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Mao Ning, en réaction à l'annonce japonaise. Les termes sont forts. Ils traduisent les tensions qui entourent depuis quelques années le secteur stratégique des semi-conducteurs, composants électroniques indispensables au fonctionnement des smartphones, des voitures connectées ou consoles de jeu mais aussi d'équipements militaires. Tokyo se défend. Selon le ministre japonais de l'Economie, Yasutoshi Nishimura, les restrictions sont destinées à « prévenir le détournement de la technologie à des fins militaires ». Il a assuré qu'aucun pays n'était ciblé en particulier. La Chine et les Etats-Unis se livrent une bataille sans merci pour la fabrication de ces puces. Washington a multiplié ces derniers mois les sanctions à l'encontre des fabricants chinois, faisant prévaloir l'argument de la sécurité nationale. A l'issue de ses entretiens avec son homologue japonais, le chef de la diplomatie chinoise a lancé, sur un ton défiant, que le blocage occidental « ne fera que renforcer la détermination de la Chine à œuvrer à être autonome » dans un domaine qui façonne l'économie mondiale. Il a exhorté le Japon à faire montre de « compréhension » à l'égard de la Chine et œuvrer d'une manière qui sert la paix et la stabilité dans la région. Même message des autres hauts responsables chinois que M. Hayashi a rencontrés lors de son déplacement de deux jours à Beijing. Wang Yi, plus haut conseiller diplomatique du président chinois, a évoqué « des tentatives de provocation autour de questions touchant les intérêts fondamentaux de la Chine ». Le Premier ministre chinois, Li Qiang, a, quant à lui, mis en avant la nécessité de sauvegarder la stabilité et la fluidité des chaines industrielle et d'approvisionnement, au cœur de la projection économique et commerciale de la Chine à l'international. Le dossier des semiconducteurs n'est qu'un des aspects nombreux des frictions entre la Chine et le Japon. Les positions des deux pays sont diamétralement opposées au sujet de la question ukrainienne. En 2022, Tokyo a adopté des sanctions contre la Russie, au moment où Beijing tente de jouer la carte de la diplomatie mettant sur la table une initiative en 12 points dans l'espoir de faire bouger les choses vers une solution politique. Un ressortissant japonais, qui travaillait pour le groupe pharmaceutique nippon, est actuellement en détention en Chine pour « espionnage ». Tokyo a tenté d'obtenir sa remise en liberté, mais le ministre chinois des Affaires étrangères a insisté que son cas sera traité « selon les dispositions de la loi ». Avec MAP