Pour « des raisons de santé », l'Union européenne a interdit la commercialisation des engrais phosphatés contenant plus de 60 milligrammes de cadmium par kilo, décision qui risque d'impacter lourdement le marché européen de l'OCP. Avec cette décision de L'UE, les responsables de l'OCP font face à un choix difficile où le marché européen représente déjà 40 % des exportations marocaines de phosphate. Prise dans un contexte de pénurie totale des engrais, qu'est-ce qui sous tend la décision européenne? Contrairement à l'année dernière, les voyants du groupe sont au vert avec de très bons chiffres d'affaires, a informé le groupe dans son rapport sur les résultats, qui indiquent que son chiffre d'affaires est passé de 32,47 milliards de dirhams en 2021 à plus de 56 milliards de dirhams au premier semestre 2022. La société l'a annoncé dans un communiqué officiel le 22 septembre 2022 une hausse des prix du marché mondial et forte demande d'engrais Les prix moyens des engrais phosphatés ont plus que doublé par rapport au premier semestre de l'année dernière, en raison d'un certain nombre de facteurs, notamment la hausse des coûts des matières premières, les perturbations de la chaîne d'approvisionnement, les restrictions à l'exportation et la hausse de la demande mondiale », indique le communiqué de presse. → Lire aussi: Engrais: le Maroc, une alternative viable pour l'Europe Selon l'OCP, les prix des engrais ont progressivement augmenté au cours du premier semestre de l'année, principalement en raison de l'offre tendue résultant du conflit Ukraine-Russie et des restrictions à l'exportation imposées par la Chine. Des prix plus élevés rendent les engrais moins abordables pour les agriculteurs, affectant la demande en Europe et aux Etats-Unis, où la demande a été gravement touchée par des conditions météorologiques défavorables. Selon OCP, il continue d'avoir une clientèle diversifiée, les marchés à forte demande tels que l'Amérique du Sud et l'Afrique représentant 56% des ventes totales au premier semestre. Quid des enjeux géopolitiques ? Dans un contexte de tension sur le secteur à cause des problématiques géopolitiques, l'Union européenne (UE) valide l'entrée en vigueur de l'interdiction de commercialiser des engrais phosphatés contenant plus de 60 milligrammes de cadmium par kilo. « Le cadmium s'accumule dans les sols et les êtres vivants, et peut contaminer les aliments », ce qui a conduit l'UE à introduire des restrictions – en vigueur depuis juillet dernier – sur la réglementation des engrais contenant ledit métal lourd. Selon l'Association commerciale espagnole des engrais (Acefer), les engrais qui peuvent avoir des niveaux plus élevés de cadmium proviennent du Maroc et de l'Algérie, deux des principaux pays, avec l'Egypte et Israël, qui exportent le plus de roche phosphatée vers l'Espagne. Le marché mondial des engrais a récemment été ébranlé par la guerre en Ukraine, en raison de la difficulté de la Russie – l'un de ses plus gros producteurs – à les vendre et des difficultés de l'UE à les produire en raison de la hausse des prix du gaz. Cette situation a accentué les enjeux de cette matière de plus en plus prisée à cause de la sécheresse et les besoins pour l'autosuffisance alimentaire pour les Etats. Acefer assure qu'il n'y a pas tellement de dépendance vis-à-vis de la Russie en Espagne, mais les changements sur le marché mondialisé peuvent finir par être remarqués indirectement. Des sources de l'Association nationale des fabricants d'engrais (Anffe) précisent que la roche phosphatée russe à faible teneur en cadmium est « la principale source d'approvisionnement possible pour les producteurs européens », la roche des pays comme le Maroc. En limitant la teneur en cadmium des engrais, une proportion considérable des importations actuelles de roche phosphatée est exclue et, par conséquent, il pourrait y avoir des pénuries d'approvisionnement dans l'UE. À son avis, la nouvelle norme accentue des coûts plus élevés, ce qui pourrait mettre en péril la viabilité de certains fournisseurs européens. Sur le plan politique, cette nouvelle norme européenne, dans un contexte de crise, a-t-elle obéi à des préoccupations diplomatiques ? L'une des rares alternatives viables aux engrais russes est le Maroc, qui représente déjà 40 % des exportations sur le marché européen de phosphate. Selon les prévisions de L'UE, cette part pourrait augmenter significativement dans les mois et années à venir. Au premier trimestre 2022, OCP a réalisé un chiffre d'affaires de 24 milliards d'euros, soit une augmentation de 77 % par rapport à la même période en 2021. Avant l'invasion russe, l'OCP tenait à augmenter l'approvisionnement de l'Afrique subsaharienne dans le but de s'imposer comme un acteur politique majeur en Afrique.