Les sanctions européennes infligées à la Russie ne concernent pas uniquement le pétrole, le gaz, le charbon et le fer, mais également les engrais. Ceci pourrait faire le bonheur du Maroc en termes d'exportation des engrais. Décryptage. Depuis le début du conflit russo-ukrainien, les pays européens ayant boycotté la Russie se sont lancés à la recherche de pays fournisseurs, substituant à la Russie, pour satisfaire leurs besoins en pétrole, gaz, fer et engrais. Ceci a chamboulé l'Ordre mondial, et la géopolitique s'est mise à jour. En effet, certains conflits et crises diplomatiques se sont résolus, en donnant naissance à des nouveaux Accords de partenariats, et un nouvel élan de réconciliation urbi et orbi dans le globe. Les pays européens se décarcassent, depuis quelques mois, pour se garantir des engrais, car le mantra de « garantir la sécurité alimentaire» est devenu un leitmotiv dans leurs débats. Mardi dernier, le directeur général de Fertilizers Europe, Jacob Hansen, institution basée à Bruxelles, a fait une sortie médiatique exhortant les Etats membres de l'Union Européenne (UE) à augmenter les parts du marché en Europe des engrais provenant du Maroc. Actuellement, les engrais produits par OCP s'accaparent de 40% des parts du marché européen. Une augmentation inédite dans les prochaines années, voire les mois à venir, reste aussi attendue. Déjà, quand le conflit russo-ukrainien s'est déclenché, précisément durant le premier trimestre de l'année, le géant du phosphate marocain a réalisé un chiffre d'affaires de 24 milliards d'euros, soit en hausse de 77% par rapport à la même période un an plus tôt. En outre, les prix du phosphate brut ne cessent d'augmenter. En juillet, ils ont atteint 320 dollars la tonne, soit leur plus haut niveau depuis 2009, en hausse de 11% sur un mois et de 156% sur un an. Sur les sept premiers mois de 2022, les prix du phosphate brut et du DAP ont enregistré des hausses respectives de 128% et 50% en glissement annuel, apprend-on de la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF). Evidemment, plusieurs facteurs ont contribué à la flambée des prix du phosphate et ses dérivés du Maroc, entre autres la forte demande, notamment de l'Inde et des pays d'Amérique latine, restrictions sur les exportations de la Chine et de la Russie, deux principaux fournisseurs de phosphates, coûts élevés des intrants (ammoniac, soufre), de l'énergie, du transport et des récoltes agricoles. En plus, la Chine avait suspendu les exportations de DAP jusqu'en juin 2022, avant de les soumettre à un système de quotas, pour garantir la disponibilité intérieure, réduisant ainsi considérablement l'offre mondiale. Outre les sanctions occidentales, la Russie a imposé des restrictions sur les exportations d'engrais aussi jusqu'en juin 2022, supprimant ainsi près de 15% de l'approvisionnement mondial. Notons que la Russie représentait 7% des approvisionnements mondiaux de phosphates roche et environ 17% des exportations mondiales d'engrais phosphatés finis, selon International Fertilizer Association (IFA). En somme, selon les observateurs, l'incertitude de l'approvisionnement en engrais en provenance de la Russie et de la Chine devrait continuer de soutenir les prix des phosphates. Les ambitions du Maroc OCP avait déclaré, plus tôt en 2022, que le Maroc vise à augmenter la production d'engrais à 11,9 millions de tonnes en 2022 contre 10,8 millions de tonnes en 2021 et à ajouter 3 millions de tonnes supplémentaires de capacité de production annuelle en 2023. Ceci traduit les ambitions du Maroc, en fournissant ces substances au monde entier, le Royaume contribue ainsi à garantir la sécurité alimentaire de plusieurs pays. Il convient aussi de rappeler que le Maroc fait des dons de l'ordre de centaines de milliers de tonnes d'engrais aux pays pauvres, dont l'Ethiopie qui vient de recevoir durant cette semaine plus de 50.000 tonnes d'engrais du Maroc, avec pour objectif de garantir l'autarcie de l'Ethiopie dans ses efforts pour devenir autosuffisante en matière de production de blé.