« La sécurité africaine en des temps incertains », tel a été le thème de la 6e édition d'APSACO, l'une des conférences phares du Policy Center for the New South, organisée cette année à Rabat en présentiel. La conférence s'est ouverte le 20 juillet sur deux premiers panels, qui ont essentiellement traité de l'impact de la guerre Russie-Ukraine sur l'Afrique et de la résolution des conflits sur le continent. « Les défis auxquels l'Afrique fait face dépassent de loin les compétences et les capacités des pays », a souligné Rachid El Houdaigui, Senior Fellow du Policy Center, dans son mot d'ouverture. Dressant un état des lieux sans complaisance, Bankole Adeoye, Commissaire pour les Affaires politiques, la paix et la sécurité à la Commission de l'Union africaine (UA) a rappelé que le contexte est difficile, en raison de la pandémie de Covid-19, qui a « inversé les gains de la lutte contre la pauvreté en poussant presque 47 millions d'Africains dans la pauvreté ». Sur 10 pays Africains dans lesquels le terrorisme augmente, 7 se trouvent dans le Sahel, 2020 ayant été une année terrible avec 4 250 morts, une hausse de 60 % sur un an, a expliqué Fouad Yazourh, ambassadeur et directeur général des Relations bilatérales et des Affaires régionales, de la Coopération africaine et des Marocains de l'extérieur au ministère des Affaires étrangères du Royaume du Maroc. Tout n'est pas sombre pour autant : « L'Afrique dispose de nombreux atouts pour la paix durable : le dividende démographique, le rôle potentiel des jeunes, avec 60 % de la population âgée de moins de 25 ans, les ressources en tout genre et les réformes démocratiques des Etats, a poursuivi Fouad Yazourh. L'Afrique n'a pas seulement le potentiel mais aussi la volonté car il existe une convergence de vue entre les Etats sur la volonté de se départir du dogmatisme du passé pour adopter des agendas pragmatiques et décomplexés. » → Lire aussi : Investissements: Le Maroc, en mesure de jouer le rôle « stratégique » de passerelle entre l'Amérique et l'Afrique (Think tank) Sur 32 conflits armés dans le monde, 47 % se trouvent en Afrique Posant lui aussi le décor, le lieutenant-général Daniel Sidiki Traoré, commandant des forces de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en République de Centrafrique (Minusca) a estimé que le mandat des missions de maintien de la paix a évolué depuis deux ans, pour devenir plus agressif. « Certains pays contributeurs viennent avec l'idée non pas d'user de la force mais d'agir comme par le passé. Ce comportement les expose à des difficultés et à des risques. Comment donner un état d'esprit robuste à l'ensemble de la force, gage de la réussite et d'efficacité dans la mission de protection des populations civiles ? Nous recevons beaucoup de critiques de ce côté, et nous devons revoir comment faire évoluer ce « mindset » dans le contexte d'aujourd'hui ». Les modérateurs des deux panels qui ont suivi, des experts chevronnés, ont rappelé et analysé quelques faits. « Nous sommes dans un entre deux, avec un air d'ancien et de nouveau temps, et une véritable guerre qui n'est pas si froide que cela, a affirmé Bakary Sambe, directeur du think tank sénégalais Timbuktu Institute. Larry Diamond rappelait dans son livre « Ill Winds » (« Vents malades ») la combinaison de trois éléments qui allaient nous plonger dans un monde nouveau et difficile à comprendre : l'insouciance américaine, l'ambition chinoise et la colère russe. Nous sommes installés dans une « paix chaude », sous laquelle bouillonnent des antagonismes que l'on essaie de régler par des conflits par procuration, par pays interposés : la Syrie en est un exemple parfait, et le Mali se dirigerait dans le même sens selon certains. » Leon Hartwell, Sotirov Fellow de LSE IDEAS, London School of Economics and Political Science, a tiré quelques chiffres du dernier Alert Report 2022 : 32 conflits armés ont été recensés dans le monde, dont 15 en Afrique, soit 47 % de tous les cas. L'Afrique a par ailleur été en 2021 la région du monde traversée par le plus grand nombre de crises socio-politiques, 40 au total, suivie par l'Asie avec 24 crises. « Il y a eu 4 coups d'Etat réussis au Mali, en Guinée, au Soudan et au Tchad. Le plus grand nombre de coups aboutis depuis 1999. »