En attendant l'annonce du nom du nouveau chef du gouvernement, le président tunisien Kaïs Saïed a décidé lundi tard la prolongation « jusqu'à nouvel ordre » des mesures exceptionnelles, autrement dit la poursuite du gel des activités du parlement ainsi que la levée de l'immunité de tous les députés. Le communiqué publié par la présidence de la république ne laisse l'ombre d'aucun doute sur sa volonté d'aller jusqu'au bout de sa logique à l'effet d'assainir la vie politique du pays, après 11 ans d'une gouvernance jugée « calamiteuse, d'errements incontrôlés et de gabegie politique à l'origine du grand ressentiment qu'éprouvent aujourd'hui les Tunisiens à l'égard des acteurs politiques« . Cette décision, au demeurant attendue, n'a pas surpris. En attendant l'annonce, dans les prochains jours, du nom du prochain chef de gouvernement, des ministres qui occuperont des départements restés jusque-là vacants ainsi qu'une feuille de route probable, pour rassurer l'opinion publique ainsi que la communauté internationale, le président tunisien se montre à la fois inflexible et déterminé. Avant d'entamer la mise en œuvre des réformes essentielles, le chef de l'Etat tunisien entend créer les conditions objectives pouvant permettre aux institutions du pays de fonctionner normalement, à l'économie de redémarrer sur des bases saines et la confiance des Tunisiens de se rétablir. → Lire aussi : Tunisie : Les chantiers titanesques qu'attendent le Président Kaïs Saïed C'est ce qui explique, selon les observateurs, la priorité accordée momentanément à la poursuite d'une grande purge qui concerne des anciens responsables, des députés, hommes d'affaires et magistrats objets d'arrestations, interdictions de voyage et assignations à résidence, sur simple décision du ministère de l'Intérieur. Mais, un grand flou persiste au sujet de la nomination d'un nouveau chef de gouvernement et du reste de son équipe, appelés à se mettre rapidement à l'ouvrage pour présenter des solutions pouvant sauver le pays d'un naufrage annoncé, rassurer les opérateurs économiques, remettre le pays au travail et restaurer la confiance perdue. Un gouvernement, que de nombreux observateurs de la vie politique espéraient qu'il soit formé de compétences, investi d'une mission et réussira le sauvetage du pays en donnant le bon tempo et en engageant sans tarder les réformes essentielles. Les Tunisiens espèrent voir s'installer un gouvernement, enfin, qui ne doit pas décevoir en tirant profit du bon a priori dont est crédité le président tunisien chez l'opinion publique qui appuie fortement sa démarche entreprise depuis le 25 juillet dernier ainsi que chez un grand nombre de pays qui ne cessent d'affirmer leur disposition à soutenir la Tunisie dans le contexte difficile actuel qu'elle traverse. Même si de nombreux défenseurs des droits de l'Homme tirent la sonnette d'alarme sur les « risques du recul des libertés et du retour de la dictature« , la majorité de la classe politique semble ou bien s'accommoder de la nouvelle situation ou bien faire profil bas. L'ancien secrétaire général d' »Attayar » Mohamed Abbou, affirme à ce propos que les mesures exceptionnelles sont nécessaires même si elles ne doivent pas durer très longtemps. Il souligne que la scène politique doit être assainie et qu'un retour à la démocratie est inévitable mais devrait se produire lorsque le chef de l'Etat aurait mené à bien son projet de lutte contre la corruption politique qui a gangréné les institutions de l'Etat. Néanmoins, il se déclare « confiant » quant au retour de l'activité du parlement et des partis politiques, expliquant que le président Kaïs Saïed n'est pas l'homme à avoir des projets de dictature ou à tourner le dos à la Constitution. Le parti islamiste Ennahdha, grand perdant du mouvement enclenché le 25 juillet dernier, fait profil bas. Le chef du parti, Rached Ghannouchi, a décidé lundi de mettre fin aux fonctions de tous les membres de son bureau exécutif et de former un nouveau, « afin de répondre aux exigences de la période actuelle avec l'efficacité requise« . Pour corroborer la nouvelle attitude du parti islamiste qui cherche vaille que vaille à limiter les dégâts, l'un de ses députés, Mohamed Goumani, soutient que la volonté de son parti « d'apporter son aide » au président de la République, Kaïs Saïed, s'agissant notamment de la lutte contre la corruption et l'application de la loi sans parcimonie. En attendant le discours imminent du Président de la République, les rumeurs vont dans tous les sens sur les candidats potentiels à la présidence du gouvernement, sur les noms des ministres ainsi que sur l'inévitable recours à des élections législatives anticipées. En dépit de tout ce charivari, une certitude apparaît. « Il n'y aura pas de retour en arrière« , répète le président Kaïs Saïed, résolu à aller jusqu'au bout de sa logique et de son projet politique.