Le président tunisien Kaïs Saïed s'est fendu d'une attaque contre les institutions du pays, dont le Parlement, après avoir décidé de prolonger la suspension du Parlement et la levée de l'immunité des députés. Lors d'une rencontre mardi avec son ministre du Commerce, Saïed a déclaré que « les institutions politiques représentaient un grave danger pour l'Etat », considérant aussi que le Parlement lui-même représente un danger pour l'Etat, rapporte la chaine de radio locale Mosaïque, qui a ajouté que Saïed accuse le parlement « d'opérations d'achat et de vente en son sein afin de faire passer des lois en faveur des lobbies ». Le président tunisien se serait engagé à « mettre fin à ces pratiques », selon la même source. Une déclaration de la présidence a confirmé que Saïed avait pris un arrêté présidentiel pour prolonger les mesures exceptionnelles prises en vertu de l'arrêté présidentiel n° 80 de 2021, liées à la suspension des compétences de l'Assemblée des représentants du peuple et à la levée de l'immunité parlementaire de tous ses membres, jusqu'à nouvel ordre. Après un mois des mesures prises par Kais Saied le 25 juillet dernier, les Tunisiens s'attendaient à une annonce du nom du nouveau chef du gouvernement, mais ils ont eu droit à une rallonge du gel de l'activité du parlement « jusqu'à nouvel ordre » et des autres mesures exceptionnelles, ainsi que la levée de l'immunité de tous les députés. Inflexible et déterminé Une décision présidentielle qui ne laisse le moindre doute sur la volonté du palais de Carthage de mener à terme sa « volonté » d'assainir la vie politique tunisienne, et de mettre fin à 11 ans d'une gouvernance jugée « calamiteuse, d'errements incontrôlés et de gabegie politique à l'origine du grand ressentiment qu'éprouvent aujourd'hui les Tunisiens à l'égard des acteurs politiques ». Cette décision, au demeurant attendue, n'a pas surpris. En attendant l'annonce, dans les prochains jours, du nom du prochain chef de gouvernement, des ministres qui occuperont des départements restés jusque-là vacants de même qu'une feuille de route probable pour rassurer l'opinion publique ainsi que la communauté internationale, le président tunisien se montre à la fois inflexible et déterminé. Mais avant de s'attaquer aux chantiers, il faut d'abord assainir l'environnement économique et politique tunisien, à même de permettre à l'économie de redémarrer sur des bases saines et la confiance des Tunisiens de se rétablir. C'est ce qui explique, pour ne pas dire justifie, la poursuite d'une grande purge qui concerne des anciens responsables, des députés, hommes d'affaires et magistrats objets d'arrestations, interdictions de voyage et assignations à résidence, sur simple décision du ministère de l'Intérieur. En attendant la mise en place d'un gouvernement Toutefois le flou subsiste quant à la nomination d'un nouveau chef de gouvernement et la formation du gouvernement qui doivent s'atteler le plus vite possible à l'ouvrage et présenter des solutions pouvant sauver le pays d'un naufrage annoncé, rassurer les opérateurs économiques, remettre le pays au travail et restaurer la confiance perdue. Un gouvernement, que de nombreux observateurs de la vie politique espéraient qu'il soit formé de compétences, investi d'une mission et réussira le sauvetage du pays en donnant le bon tempo et en engageant sans tarder les réformes essentielles. Les Tunisiens espèrent voir s'installer un gouvernement, enfin, qui ne doit pas décevoir en tirant profit du bon a priori dont est crédité le président tunisien chez l'opinion publique qui appuie fortement sa démarche entreprise depuis le 25 juillet dernier ainsi que chez un grand nombre de pays qui ne cessent d'affirmer leur disposition à soutenir la Tunisie dans le contexte difficile qu'elle traverse. Même si de nombreux défenseurs des droits de l'Homme tirent la sonnette d'alarme sur les « risques du recul des libertés et du retour de la dictature », la majorité de la classe politique semble ou bien s'accommoder de la nouvelle situation ou bien faire profil bas.
La Tunisie « au bord de la faillite » Après l'agence de notation Moody's en février 2021 qui octroyait une note rabaissée à B3 associée à des perspectives négatives, c'était au tour de Fitch ratings, début juillet, de dégrader la note tunisienne à B-, soit la dernière marche avant les abysses du défaut... Le Président Saïed, économe en explications sur ses visées politiques finales, appelle à la baisse des prix des produits de première nécessité, dénonce des réseaux de corruption et d'affaires qui « affament » les Tunisiens, propose une « trêve » à 460 businessmen supposés véreux en se fondant sur un rapport rédigé... en 2011, évoque le montant faramineux de 13.500 milliards d'argent spolié à restituer, sans préciser s'il parle en dinars. Pour renflouer en urgence les caisses de l'Etat, une délégation de « haut niveau » (ministre, gouverneur de la banque centrale, président de l'UTICA, le MEDEF tunisien) s'est rendue à Washington début mai dernier afin de « discuter » avec le FMI des nécessaires réformes à mettre en place et de leur mode de financement. Et dans l'espoir d'obtenir un nouvel accord de prêt d'un montant de... 4 milliards de dollars américains... Depuis, le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Appui à l'investissement, Ali Kooli, a été limogé par le Président Saïed début août. Il lui était reproché d'être injoignable et en villégiature en Italie. Le ministère n'a donc plus de vis-à-vis officiel à offrir et les négociations, s'annonçant déjà périlleuses, se retrouvent désormais au point mort.