( Paris, correspondance particulière) A l'occasion de la présentation à la Maison du Maroc, le samedi 26 mai 2021, du Nouveau Modèle de Développement, par Chakib Benmoussa, Ambassadeur et Président de la CSMD, la Fondation Maison du Maroc, a retrouvé ses « ambiances et lustres d'antan » comme lieu de rencontres et de débats. Cette rencontre d'envergure au sein de ses locaux rénovés fut la première après les périodes de restrictions et d'isolement imposées par la pandémie. Celle-ci a été également évoquée en fond de toile lors de l'exposé de Chakib Benmoussa, pour indiquer la portée et l'importance du NMD, face à un futur de plus en plus incertain. Plus d'une centaine de représentants associatifs étaient présents, nombre volontairement limité, en raison des règles sanitaires en matière de rassemblements. Cette nouvelle séquence parisienne dans la campagne d'explications conduite par le Président du CSMD sur les contenus et les enjeux du NMD avait ciblé les Marocains du Monde de France. Des représentants de la société civile des MDM et des compétences étaient en effet présents en nombre à l'invitation de l'une d'elles, « l'Association Conseil des Experts Marocains du Monde (CE-MDM) » organisatrice de l'évènement, en partenariat avec la « Fondation Maison du Maroc ». Cette séquence parisienne, complétée par une présence en ligne depuis plusieurs villes de province, était utile à plus d'un titre. Le premier, présenter, exposer et écouter directement les MDM, sur les résultats auxquels est parvenue la commission en matière de diagnostic et de solutions des problématiques qui traversent la société marocaine. En second lieu, utile car nul n'ignore, que les MDM n'ont pas, face aux institutionnels venus de Rabat, « la langue dans leur poche ». Leurs réactions et questions en témoignent. En troisième lieu, utile pour introduire de la clarté, de la sérénité et de la confiance auprès des MDM soucieux de leur implication dans la mise en œuvre du NMD. Les enjeux de la transformation structurelle de l'économie marocaine, des gains de croissance pour un modèle « maroco-marocain » Trois membres du CSMD se sont déplacés, MM. Chakib Benmoussa, Ambassadeur et Président de la CSMD, Ahmed Bouchikhi, Enseignant-Chercheur et Doyen d'Université en Corée du Sud, Rachid Benzine Auteur et également Enseignant-Chercheur. Les présentations ont été exhaustives. Le NMD a été exposé selon ses principales et différentes facettes : les éléments de diagnostic, les enjeux d'avenir, les leviers de mise en œuvre, les mécanismes de suivi. Sans revenir dans le détail sur les contenus, on peut retenir quelques éclairages essentiels à ce propos. Le NMD est conçu pour engager le Royaume sur de nouveaux chemins de croissance économique selon un horizon temporel fixé à 2035. La croissance économique actuelle qui oscille aux environs de 3 % ne suffit pas à assurer le décollage économique. Des gains de croissance économique supplémentaires sont préconisés par le nouveau modèle en concentrant les efforts sur les atouts et potentiels pour atteindre des rythmes de croissance économique de 6 %. Le point de départ de cette transformation structurelle serait de construire une nouvelle ambition et un nouveau référentiel articulés dans le cadre d'un modèle « maroco-marocain », fondés sur les atouts géographiques, culturels et identitaires du Royaume ainsi que les acquis comme le développement d'infrastructures du Nord au Sud du Royaume aux standards internationaux. Pour cela, il convient de savoir domestiquer au plan national les forces du changement à l'œuvre, notamment, au niveau mondial : le numérique, l'enjeu climatique, la démographie, les crises globales comme les pandémies, migration...comme il convient de mettre en œuvre des réformes structurelles internes dans plusieurs pans de la société (réforme et modernisation de la administration, renforcer le capital humain et libérer le potentiel humain, consolider la justice et la reddition des comptes, multiplier les lieux de partage et de dialogue démocratique, accélérer le développement territorial, favoriser les partenariats publics et privés selon une nouvelle vision soucieuse d'éthique et de justice sociale, accélérer le développement sectoriel...). Le rôle des MDM dans la transformation structurelle, un gisement incontestable de compétences selon la CSMD En s'attachant à la question des MDM, le rapport a mis en exergue deux éléments de diagnostic à savoir, une gouvernance éclatée et des politiques publiques peu adaptées. Le rapport préconise à ce sujet une correction des approches qui viseraient à tenir compte de l'importance de la mobilité des MDM entre leur pays d'accueil et leur pays d'origine (migration circulaire) et celle de leur attachement à leur pays d'origine par de multiples liens immatériels (numérique et digital, culture, éducation...). Pour la CSMD, il conviendrait d'accélérer la mise en œuvre des dispositions constitutionnelles qui touchent aux citoyens marocains établis à l'étranger et celles d'une meilleure représentation des MDM au plan institutionnel. Le rapport, comme souligné par M Chakib Benmoussa lors de sa présentation, a également mis en évidence le rôle des MDM comme connecteurs du « Maroc au Monde » et comme « acteurs à part entière de développement et de rayonnement ». Lors du débat, plusieurs questions ont concerné les mesures qui seront prises à cet effet. Les réponses ont fait référence à la réforme du cadre juridique de l'Université et de la Recherche pour mieux impliquer les compétences des MDM dans les dispositifs d'innovation au sein des Universités et des centres de Recherche. De même, a-t-il été précisé que l'élaboration du Pacte National de Développement (PND) qui est suggéré comme mécanisme institutionnel de mobilisation des « acteurs publics, privés et tiers » tiendra compte de l'implication des MDM. Par exemple, à travers le rééquilibrage qui devrait s'opérer, selon les recommandations de la CSMD, entre « démocratie représentative et démocratie participative ». Le débat avec les Marocains du Monde, l'exigence de « l'inclusivité » La densité et l'intensité du débat qui a suivi la présentation du NMD démontre une fois de plus à ceux qui sont habitués aux rencontres avec les membres de la diaspora, combien les marocains établis à l'étranger, portent un intérêt et une attention toute particulière à tout ce qui touche au Royaume. Cela d'autant plus quand il s'agit d'évènements susceptibles d'impacter le futur du pays d'origine. Les questions ont concerné autant celles des transferts de corps lors de la crise sanitaire où l'un des participants a évoqué avec une sincère émotion l'incompréhension des MRE de ne pouvoir inhumer dans la terre d'origine, les victimes décédées du Covid-19 parmi les MRE, que les questions évoquant des expériences déçues et avortées de transferts de technologies vers le Maroc, faute d'intérêt et de soutien des pouvoirs publics au niveau local. D'autres questions ont concerné le volet culturel et religieux s'interrogeant par exemple sur le sort de la langue Amazigh et Arabe dans le NMD, ou encore une question sur « l'islamisation rampante » de la société marocaine, qui serait selon le participant en question, un frein au nouveau modèle de développement. Plusieurs autres questions ont également concerné le : « quid du financement du nouveau modèle de développement ? » ou du « quid des stratégies sectorielles actuelles ?» ou du « quid de la question des droits humains et de la démocratie ?». Des questions aussi ont été posées sur l'écoute par la Commission des citoyens toutes catégories confondues et sur la prise en compte des réalités de terrain. Les réponses de la CSMD, « l'inclusivité » est une exigence culturelle et un enjeu politique du Pacte national de Développement (PND) En réponse à la question de l'écoute du terrain, Chakib Benmoussa, a tenu à préciser la démarche entreprise par la CSMD. Selon ses réponses, Sa Majesté le Roi, en confiant la mission de préparer le chantier de la NMD à une commission spéciale, aurait instruit la CSMD d'aller sur le terrain et d'être à l'écoute des citoyens. Aussi, selon le Président de la CSMD, l'essentiel du temps consacré par la CSMD a été dévoué à la rencontre et l'observation des réalités de terrain et à l'écoute des citoyens. En effet, selon lui, l'appel à un nouveau modèle de développement avait déjà été énoncé en 2017 lors d'un Discours Royal. Plusieurs rapports ont été élaborés depuis ce discours par des institutions consacrées. Néanmoins, Sa Majesté le Roi a souhaité compléter les travaux antérieurs par un travail de restitution des réalités du terrain. Le déficit d'écoute à l'égard des travaux de la Commission ne serait donc pas fondé selon le Président de la CSMD. Concernant, les stratégies sectorielles et le financement du NMD, la réponse se trouverait dans la mise en œuvre du NMD. Celui-ci en stipulant une articulation entre un « Etat-fort et une Société forte » préconise une correction de trajectoire si nécessaire des stratégies sectorielles et de faire de l'Etat, une institution « régulatrice et stratège ». Par exemple, celles d'orienter les réformes et les priorités budgétaires vers les secteurs d'importance pour le citoyen marocain comme la santé et l'éducation. La mise en œuvre de la couverture médicale généralisée lancée récemment par Sa Majesté le Roi en est une illustration. Les autres membres de la CSMD ont également réagi. Monsieur Benzine, a souligné dans ses réponses que les membres de la CSMD, ont basé leurs réflexions sur les nouvelles théories du rôle de l'Etat qui doit être au service du citoyen et non l'inverse selon une approche qui garantit la cohésion sociale. La liberté et la démocratie octroyées par l'Etat, selon Rachid Benzine, seraient le résultat d'un rapport de forces qui se négocie en permanence. Des économistes contemporains ont conceptualisé cela par des concepts, repris ici schématiquement, tels que « une société faible » génère un « Etat despotique » et un « Etat faible » génèrerait une « société ensauvagée », d'où la conclusion du rapport sur l'articulation entre un « Etat fort et une Société forte » dans le NMD. Selon Rachid Benzine, la question de la liberté, des droits humains et de la démocratie doit être la colonne vertébrale du NMD, sinon, il ne peut y avoir de développement. Le Pacte National de Développement devrait être un lieu pour convenir d'un « nouveau partage de responsabilités » entre les acteurs selon les principes de complémentarité et de subsidiarité. Selon les membres de la CSMD, cela est facilité par l'existence au Maroc de l'institution monarchique qui garantit la stabilité dans le temps long et les arbitrages nécessaires en fonction de l'intérêt général. Monsieur Bouchikhi a complété les réponses en indiquant, selon son expérience de l'Asie du Sud Est, combien le décollage économique d'une nation est d'abord une affaire de psychologie collective. Elle serait de prime abord une affaire de « volonté ». Selon lui, le Rapport du NMD et le mouvement enclenché par Sa Majesté le Roi, pour lancer « une marche vers un nouveau modèle de développement », constitueraient en soi un déclic culturel et psychologique prometteurs pour le Royaume.