En Tunisie où les gouvernements viennent et repartent à une cadence effrénée, la rentrée s'annonce chaude avec des dossiers brûlants aux plans aussi bien socio-économiques que politiques. En acceptant la désignation du chef de l'Etat et en formant le nouveau gouvernement qui a reçu l'aval du Parlement, le chef de l'Exécutif, Hichem Mechichi était conscient de la complexité de la situation et de l'énormité des attentes des Tunisiens, exaspérés par la récurrence des crises politiques et économiques. Ces dossiers brulants sont à même de tester la capacité d'un nouveau gouvernement à répondre à ces attentes qui, selon les analystes, ne seront satisfaites que si le nouveau locataire de La Kasbah et son équipe parviennent à bien négocier la situation sociale et politique qui va de mal en pis en raison d'un système politique instable et d'indicateurs économiques défavorables. Sur le plan social, même si Mechichi a qualifié la situation sécuritaire dans le pays de « relativement stable », il reconnaît toutefois une recrudescence des mouvements de protestation enregistrés dans certaines régions pour réclamer le droit au développement et à l'emploi, à l'origine de la suspension de la production dans certains secteurs vitaux tels que les phosphates et le pétrole. Dans ce sens, le chroniqueur et politologue Mohamed Khalil Jellassi note que ce gouvernement se présente comme celui de la dernière chance pour sauver le pays de ce que certains sociologues appellent « l'explosion sociale ». Il note que l'un des premiers dossiers sociaux à gérer n'est autre que celui d'El Kamour qui s'est transformé d'une simple protestation à une crise sociale et économique sans précédent, avec la fermeture des vannes de pétrole à l'initiative des protestataires. Selon lui, ce dossier ne cesse de menacer la paix sociale et la sécurité nationale, comme le souligne le président tunisien Kaïs Saïed, d'autant plus qu'il met à mal le secteur pétrolier. Il relève que l'actuelle crise de production de pétrole et de gaz trouve son origine dans ce blocage qui dure depuis plus de trois ans et auquel les différents gouvernements qui se sont succédé n'ont pu trouver solution. Outre ce dossier brûlant, le gouvernement Mechichi devra actuellement faire face, sans plus tarder, à une grogne sociale liée à la situation économique inconfortable provoquée notamment par la hausse du taux de chômage sous l'effet de la crise de la pandémie du coronavirus et une situation épidémiologique alarmante qui va de mal en pis avec une hausse constante des nouveaux cas de contamination. Selon des chiffres officiels, le taux de chômage a augmenté pour la première fois en Tunisie et ce, depuis un an et demi en atteignant 15,1% au premier trimestre 2020, soit 634.800 chômeurs, 623.900 au quatrième trimestre 2019. La situation difficile pourrait devenir plus inquiétante pour l'Exécutif tunisien d'autant plus que ces nouveaux chômeurs qui s'ajoutent aux anciens ne feront qu'aggraver la « situation socioéconomique explosive » dans ce pays de 12 millions d'habitants, dont le déficit budgétaire ne ce cesse de se creuser en atteignant 5 milliards de dinars (1,5 milliard d'euros). Pour le gouvernement Mechichi, l'heure est aussi de sauver un secteur clé de l'économie tunisienne qu'est le tourisme, qui fait face à la pire épreuve de son histoire moderne. Considéré comme un des fleurons de l'économie tunisienne, le sauvetage de ce secteur, asphyxié par la crise du Covid-19 et qui tarde à décoller, est une priorité nationale, comme l'affirme Afif Kchouk, président de l'Union nationale de l'industrie hôtelière qui vient d'élaborer « un plan Marshall » pour sauver l'hôtellerie tunisienne de l'effondrement. Sur le plan financier, Kchouk propose la mise en exécution, dans les plus brefs délais, de la ligne de crédit de 500 millions de dinars promise par le gouvernement d'Elyès Fakhfakh et destinée au secteur touristique, le règlement, dans le cadre de cette ligne de crédit des factures des sociétés tunisiennes de l'eau et de l'électricité des cotisations de la CNSS, et des redevances fiscales du 1er avril 2020 au 31 mars 2021 et la reconduction des termes de la circulaire 2015-12 de la Banque Centrale de Tunisie, relative à la classification des hôtels (classes 4 et 5) et leur éligibilité au refinancement et à l'abattement sur les crédits hôteliers. Sur le plan politique, le gouvernement Mechichi est confronté à un des problèmes majeurs consistant à s'assurer une ceinture politique au sein de l'Assemblée des représentants du Peuple (parlement) en vue de garantir la pérennité d'une équipe, qui est tellement fragile qu'il semble dépendre d'une coalition contre-nature comprenant Ennahdha/Qalb Tounès/Al Karama.