Le chef de gouvernement désigné Hichem Mechichi a dévoilé lundi soir la composition de son gouvernement de « compétences », malgré l'opposition de certains partis politiques, dont Ennahdha, majoritaire à l'Assemblée des Représentants du peuple (ARP/Parlement). Mechichi, qui a achevé, le 19 août, les concertations avec les partis politiques, les organisations nationales et les experts, avait exprimé son intention de former un gouvernement de compétences indépendantes. Toutefois, cette option a suscité des avis mitigés au sein de la classe politique. Ennahdha, le plus grand parti représenté au Parlement (54 sièges), a exprimé son opposition à la formation d'un gouvernement de compétences étant donné que cela « dénature la démocratie, les résultats des élections et la volonté des électeurs ». Dans des déclarations à la presse, le président du mouvement « Ennahdha » Rached Ghannouchi a ajouté que « tous les partis et les ministères disposent de compétences techniques qui doivent servir la politique », estimant que « le pouvoir n'est pas un travail technique mais c'est plutôt la capacité d'avoir une vision, un projet et un discours mobilisateur « . Ghannouchi a, en outre, souligné la nécessité d'amender la loi électorale qui, selon lui, est incapable de donner lieu à une majorité, favorisant ainsi l'instabilité politique. Pour sa part, Oussama Khelifi, dirigeant au parti « Qalb Tounes » (27 députés au parlement), a indiqué que son parti devrait probablement prendre position à l'égard du gouvernement Mechichi de manière à « préserver les institutions de l'Etat ». Selon lui, « Qalb Tounes » attendait l'annonce de la composition définitive du gouvernement pour décider de lui accorder ou non la confiance. De son côté, l'Union populaire républicaine (UPR) a exprimé son rejet à la formation d'un gouvernement de compétences « qui va à l'encontre de l'esprit de la Constitution, du système politique en vigueur et des fondements de la démocratie ». L'UPR, qui compte trois députés dans le groupe parlementaire « al-Moustakbal », lequel dispose de 9 sièges au parlement, a exhorté les députés à « prendre leur responsabilité, à faire prévaloir l'intérêt supérieur du pays et à éviter la fragmentation parlementaire aux dépens des principes ». Le président du groupe parlementaire de la coalition « al-Karama », Seifeddine Makhlouf a, quant à lui, indiqué qu'aucune position officielle n'a été prise jusqu'à maintenant au sujet de la formation du gouvernement Mechichi. Les représentants de la coalition al-Karama (19 sièges au parlement) ont exprimé « leur refus d'un gouvernement de technocrates (compétences indépendantes) et du vote en faveur d'un cabinet dont ils ne connaissent pas la composition ». Ils se disent pour « un gouvernement de coalition politique élargie qui doit prendre ses responsabilités devant les Tunisiens et refléter les résultats des élections de 2019 ». Pour le dirigeant et député du mouvement « Echaab », Khaled Krichi, le parti a décidé en principe d'accorder la confiance au gouvernement de Hichem Mechichi malgré ses réserves sur le déroulement des concertations. Krichi a précisé que le bureau politique du parti a été chargé de suivre les détails sur le programme du futur gouvernement après avoir connu sa composition qui, selon lui, « répond aux critères de la compétence et de l'indépendance ». « Le mouvement Echaab privilégie l'intérêt national aux intérêts étroits du parti », a affirmé Khrichi, estimant que le plus important aujourd'hui est que ce gouvernement « contribue à faire sortir le pays de la crise et des conséquences de la pandémie de coronavirus ainsi que de réaliser la stabilité politique ». Pour sa part, le conseil national du parti Courant démocrate (Attayar) a décidé de ne pas voter la confiance au gouvernement de Hichem Mechichi. Le Courant démocrate a rappelé qu'il avait réagi dès le début « positivement » vis-à-vis du chargé de la formation du gouvernement et exprimé « la disposition à soutenir un gouvernement porteur d'une vision et d'une position politique et étant capable de sauver le pays et ce, indépendamment de sa situation à l'intérieur ou en dehors du gouvernement ». Le ministre de l'Intérieur Hichem Mechichi avait été chargé, le 25 juillet, par le président Kaïs Saïed de former le nouveau gouvernement en vertu de l'article 98 de la Constitution après la démission, dix jours plus tôt, du chef du gouvernement Elyes Fakhfakh pour une suspicion de conflits d'intérêts. Mechichi, dont le nom a été annoncé au terme du délai constitutionnel fixé à dix jours, a été désigné le 19 février dernier au poste de ministre de l'Intérieur dans le gouvernement d'Elyès Fakhfakh. Son nom ne figurait pas parmi les candidats proposés par les partis et les groupes parlementaires qui ont présenté au président de la République leurs candidats à la primature, dans le cadre des concertations menées pour désigner la personnalité la plus apte à former le gouvernement, conformément à l'article 89 de la Constitution. Né en janvier 1974, Mechichi est titulaire d'une maîtrise en droit de la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis, d'un Certificat de fin de cycle de l'Ecole nationale d'administration (ENA) de Tunis et d'un Master en administration publique de l'Ecole nationale d'administration de Strasbourg. Mechichi a occupé les postes de conseiller principal auprès du président de la République, en charge des affaires juridiques, et de chef de cabinet dans les ministères du Transport, de la Santé et des Affaires sociales, ainsi que de directeur général de l'Agence nationale du contrôle sanitaire et environnemental des produits. Il devra obtenir la confiance du Parlement à la majorité absolue d'ici à septembre. Faute de quoi, l'Assemblée sera dissoute et de nouvelles élections législatives auront lieu.