Coup de force et crise institutionnelle en Tunisie Des affrontements ont éclaté lundi devant le Parlement tunisien au lendemain de la suspension de ses activités par le président Kais Saied et du limogeage du Premier ministre, plongeant la jeune démocratie dans une crise constitutionnelle. Dimanche soir, après une journée de manifestations dans de nombreuses villes du pays, le président Saied a annoncé « le gel » des activités du Parlement pour 30 jours. Il a aussi démis de ses fonctions le chef du gouvernement Hichem Mechichi dans un contexte de fort ressentiment populaire envers le gouvernement pour sa gestion de la crise sociale et sanitaire. Echangeant des jets de bouteilles et de pierres devant le Parlement à Tunis, plusieurs centaines de partisans du président Saied ont empêché lundi les partisans du principal parti parlementaire Ennahdha de se rapprocher de leur chef, M. Ghannouchi, également président du Parlement. Stationné en voiture devant la porte close du Parlement depuis plusieurs heures, M. Ghannouchi est empêché d'y entrer par des forces militaires qui bloquent les portes de la chambre. Ennahdha, formation d'inspiration islamiste, a fustigé les mesures de M. Saied dénonçant « un coup d'Etat contre la révolution et contre la Constitution », dans un communiqué publié dimanche soir sur Facebook. Le président de la République se chargera lui-même du pouvoir exécutif « avec l'aide d'un gouvernement dont le président sera désigné par le chef de l'Etat », avait déclaré la veille M. Saied à l'issue d'une réunion d'urgence au Palais de Carthage avec des responsables des forces de sécurité. Vers 03H00 du matin (02H00 GMT), M. Ghannouchi s'est rendu devant le Parlement avec des députés d'Ennahdha ainsi que la vice-présidente de l'Assemblée Samira Chaouachi, du parti allié Qalb Tounes. « Nous voulons entrer au Parlement! (…) nous sommes les protecteurs de la Constitution », a déclaré Mme Chaouachi aux militaires déployés derrière une porte fermée du Parlement, selon une vidéo publiée par des médias locaux et partagée sur les réseaux sociaux. « Nous sommes les protecteurs de la nation », a répondu l'un des militaires avant d'ajouter qu'il appliquait « les instructions ». Outre Ennahdha, les partis de sa coalition, Qalb Tounes et le mouvement islamiste nationaliste Karama, ont condamné les décisions de M. Saied. Dans l'opposition, le Courant démocratique, parti socio-démocrate qui a plusieurs fois soutenu le président Saied, a rejeté sa prise de pouvoir.