Les maladies cardiovasculaires et leurs comorbidités associées (obésité, diabète, hypertension artérielle, insuffisance rénale) peuvent exposer leurs porteurs aux risques d'avoir des formes graves de la Covid-19. Toutefois, la peur de la contamination a engendré un certain relâchement dans le suivi de l'état de santé des personnes atteintes de ces maladies. D'ailleurs, une enquête du HCP, sortie le 19 mai, indique que 48% des ménages ayant au moins un membre souffrant de maladie chronique n'ont pas accédé aux services de santé. Alors que 53% d'entre eux se trouvent en milieu rural. Contacté par MAROC DIPLOMATIQUE, le professeur de cardiologie Ahmed Bennis nous apporte son éclairage. MAROC DIPLOMATIQUE_ Le confinement a-t-il impacté la prise en charge des maladies chroniques ? Professeur Ahmed Bennis_ On a remarqué que pendant cette période, il y avait une diminution importante des admissions pour infarctus du myocarde partout dans le monde. On a connu pratiquement une baisse de 40% d'urgence cardiologique et notamment d'accidents cérébrovasculaires. Par conséquent, la mortalité hospitalière et surtout à l'extérieur de l'hôpital, chez ce type de patients, a monté, c'est-à-dire qu'ils meurent chez eux parce qu'ils ne se déplacent plus à l'hôpital de peur d'attraper l'infection. Aux quatre coins du monde, les médecins alertent du fait qu'il y a de moins en moins de patients atteints de maladies cardiovasculaires et leurs comorbidités associées (obésité, diabète, hypertension artérielle, insuffisance rénale) qui sont admis à l'hôpital, depuis le début de la pandémie, en revanche, il y a de plus en plus de patients qui n'arrivent qu'une fois trop tard pour des interventions chirurgicales ou bien des techniques de revascularisation, ce qui les a exposés à de graves complications. Concernant le nombre d'imageries pour le cerveau, celui-ci a diminué pour les accidents cardiovasculaires cérébraux (AVC), de moins en moins de scanner et d'IRM qui sont faits, parce que, encore une fois, les gens ont peur de sortir de chez eux, en raison du confinement malgré l'urgence médicale. MD_ Et si les dégâts collatéraux de l'épidémie de Covid-19 étaient plus graves que le virus en lui-même pour les personnes atteintes de maladies cardiovasculaires ? A.B_ Depuis le début de la pandémie, de nombreux patients n'osent plus se rendre à l'hôpital quand ils ont des problèmes cardiaques, s'ajoute à cela, le stress lié au confinement, qui a rendu de nombreuses femmes plus vulnérables. Les cardiologues s'inquiètent également pour les patients cardiaques dont les opérations chirurgicales ont été retardées. Cela fait craindre que l'état de santé des personnes atteintes de maladies cardiovasculaires se détériore parce que ces derniers ont peur d'attraper le coronavirus et n'ont pas bénéficié des soins médicaux nécessaires à temps. Certes, la covid-19 a un taux de létalité important, mais les dégâts collatéraux de l'épidémie risquent d'être plus graves que le virus lui-même pour ces personnes. On va aussi avoir des patients qui auront des complications tardives, puisqu'ils ont attendu trop longtemps pour s'adresser au médecin. Alors que les traitements qui étaient relativement simples, vont devenir complexes. Ce qui fait qu'il y aura des malades en défaillance cardiaque, infarctus avec rupture cardiaque, ou qui vont malheureusement, avoir une mort subite qui va les emporter. D'ailleurs, c'est pour cette raison que de nombreux scientifiques et spécialistes ont tiré la sonnette d'alarme pour dire attention, il faut prendre contact avec son médecin traitant quand la personne présente des signes d'alarmes et consulter rapidement. MD_ Quelles sont les personnes considérées à risques face à la COVID-19 ? A.B_ Alors, les patients qui sont à risque d'attraper la Covid-19 et d'avoir des formes graves du virus, sont ceux qui sont très fragiles, s'agissant des insuffisants cardiaques ou respiratoires, ceux ayant des problèmes de déficit immunitaire, les hypertendus, ainsi que ceux qui ont fait des accidents vasculaires et cérébraux. Il y a aussi les diabétiques ayant un indice de masse corporelle qui dépasse 40. L'hypertension constitue également un facteur de risque cardiovasculaire. Qui dit hypertension, dit sujet âgé, ce qui veut dire un profil à risque de faire des maladies respiratoires, par conséquent, il est à risque accru d'accidents cardiovasculaires. Et puis, on a remarqué que les personnes qui sont en surpoids ont haute résistance à l'insuline, des problèmes de lipides, des altérations de leur pression artérielle et sont un profil inflammatoire, ce qui fait qu'elles sont à risque. Dans le même registre, il est à noter que la prévalence est plus élevée en réanimation chez les patients qui sont en surpoids. MD_ Comment gérer, post-confinement, les malades porteurs d'une affection chronique à risque ? A.B_ Je tiens à rappeler les symptômes qui peuvent amener les gens à se déplacer aux urgences cardiologiques, à savoir, les douleurs thoraciques, les douleurs qui irradient jusqu'à la mâchoire ou les bras, les difficultés respiratoires, les jambes enflées, l'essoufflement, les sueurs, la fatigue, les nausées, les vomissements, voire une indigestion. Et puis, il y a les symptômes courants de l'AVC, notamment, une incapacité à lever le bras et des troubles de la parole. Un autre problème se pose aujourd'hui. Les femmes sont de plus en plus exposées au risque cardiovasculaire, surtout pendant cette crise sanitaire, plusieurs facteurs peuvent être en cause, le tabac, le stress, la tension, etc. Les femmes sont sujettes à faire des infarctus du myocarde, parce que le cœur des femmes est fragile, donc, il faut faire attention aux signes d'alerte. Notons que les maladies cardiaques emportent plus de 200 femmes par jour dans le monde. Heureusement, on a assisté au développement des téléconsultations, qui permettent d'établir un contact direct entre le soigné et le soignant. Cela s'applique aussi pour les patients stables mais il ne faut pas l'appliquer pour les patients qui ont des urgences, comme des douleurs à la poitrine, palpitation, essoufflement anormal, AVC, paralysie soudaine, faiblesse musculaire, céphalée intense, etc. Ces personnes doivent consulter très rapidement. MD_ Si je suis atteint d'une maladie chronique, puis-je reprendre mes activités sportives normalement ? A.B_ La reprise d'activités physiques doit se faire en durée et en intensité afin de réadapter le corps à l'effort, sans oublier de s'hydrater, en buvant beaucoup d'eau. Il convient toujours d'arrêter impérativement toute activité physique et consulter rapidement le médecin traitant devant l'apparition des signes d'alerte. Sans oublier de maintenir les gestes barrières et les mesures préventives. Les règles de distanciation physique sont les suivantes : garder au-delà d'un mètre de distance entre une personne et une autre, l'hydratation doit être gérée individuellement et l'utilisation de matériel sportif personnel est privilégié, ainsi que le lavage fréquent des mains. Par ailleurs, il faut respecter les règles d'or liées à la pratique sportive, à savoir ne pas prendre du paracétamol à titre préventif, cela risque de masquer la fièvre, ne pas prendre d'anti-inflammatoire, y compris l'aspirine et l'ibuprofène, pas d'automédication à hydroxychloroquine, ne pas pratiquer le sport en étant seul dans des zones isolées difficilement accessibles aux secours et surveiller sa température régulièrement. Les adolescents sont aussi concernés, des études en France montrent que ces derniers passent plus de 10 heures par jour en moyenne devant les écrans, contre 6,7 heures avant le confinement. Ils passent également 7,7 heures à naviguer sur internet contre 5,2 heures en début mars. On en retient que le temps consacré aux activités sédentaires a progressé, au détriment des activités sportives, particulièrement chez les ados. Alors que le maintien des activités physiques reste irrégulier et insuffisant. L'OMS, pour sa part, recommande une heure par jour. N'empêche que le sport est perçu positivement chez les enfants. Ils sont unanimes sur l'importance de la pratique du sport.