Telle une mosaïque, ses textes sont construits tesselle par tesselle. Les mots y sont lisses et tranchants à la fois, simples et profonds. Son écriture, recherchée, n'est point un agencement d'idées, de phrases, de récits fluides/prévisibles. Dans les romans de Touria Oulehri, l'attention du lecteur est constamment sollicitée. Il est bousculé, déconcerté par des concepts aussi philosophiques que puisés dans la vie de tous les jours. Son engagement -de toujours- pour la condition de la femme est omniprésent. Son dernier roman, ''Aime-moi et je te tue'' (Virgule éditions, 2019), qui sera présenté lors du prochain Salon International de l'Edition et du Livre, qui aura lieu en février à Casablanca, est ''un coup de poing porté au flanc des convenances''. Une histoire dont le socle est l'éternel lien entre l'amour et la mort !. Au fil des pages, la romancière fait entrer le lecteur dans le monde secret de la création artistique. Car, selon elle, créer c'est bien souvent pénétrer l'univers de la folie. Il est question de la frayeur primordiale de tout être amoureux, terrorisé à l'idée d'être séparé de ce qui constitue l'essence même de sa vie. C'est aussi ce que ressent l'écrivain une fois un roman fini, le peintre une toile achevée, tout artiste craignant de perdre son inspiration. Dans ce roman, comme pour les précédents, Touria Oulehri dit ''écrire avec le cœur''. ''Quand on écrit avec ses émotions, on peut transmettre au lecteur toute la passion qui nous anime et le faire adhérer à ce monde imaginaire qu'on crée et qui reflète quelque part la réalité'', confie-t-elle à la MAP, le regard pétillant, l'allure moderne, volontaire. Si, l'écriture lui permet, en tant qu'universitaire, d'avoir un contact avec la littérature dans la perspective de la transmission des savoirs et des cultures, son approche, en tant que romancière, semble être plus globale, plus subjective. Il s'agit de renvoyer un autre regard, des émotions, une certaine vision de la société. Pour celle qui se présente comme ''une femme du monde, une femme de Partout, mais qui reste essentiellement marocaine'', c'est l'enseignement de la littérature française qui lui fait prendre conscience de son identité de romancière. ''J'ai commencé par écrire des cahiers journaux, ensuite je me suis rendu compte qu'écrire c'est autre chose'', se souvient-elle. Ce n'est qu'en 1999 que la native du village d'Assoul, tout près d'Imilchil, un jour de 1962, qu'elle a décidé de franchir le pas et d'écrire son premier roman ''la répudiée'', qui sera publié en 2001 aux éditions Afrique-Orient. Elle y raconte l'histoire d'une amie -l'héroïne du roman-, qui a connu une répudiation douloureuse. ''Tellement je me suis identifiée à cette femme que beaucoup de lecteurs ont pensé qu'il s'agissait d'une histoire autobiographique. Et c'est là que j'ai compris toute la puissance de la littérature''. Sur l'omniprésence de la femme dans ses œuvres, l'auteure explique qu'écrire est ''un engagement, dans le sens où il s'agit de transmettre un message, celui de la représentation de la femme marocaine, qu'elle que soit sa situation sociale''. Et ce n'est pas uniquement de la femme qu'elle puise son inspiration. ''La vie m'inspire. Ça peut être une situation, un reportage, un homme. Une situation n'importe laquelle fait naitre en moi le besoin d'écrire qui pourrait donner naissance à une histoire que je broderai'', dit-elle. Artiste dans l'âme, Touria Oulehri aurait aimé être peintre, si elle n'était pas ''tombée dans les filets'' de la littérature. Car, il y a des situations où la peinture exprime mieux que la littérature tout ce qu'on voudrait transmettre comme sentiments et émotions. Elle tient toutefois à tirer les choses au clair : Ce penchant pour la peinture n'altère point son amour pour la littérature, qui ''raconte mieux que tout autre art quand il s'agit de construire une histoire''. L'académicienne et critique littéraire, qui a fait ses études secondaires à Meknès, puis supérieures à Fès et en France, pose un regard lucide sur l'écriture francophone marocaine. ''C'est une écriture émergente, qui est à la fois très jeune et très ancienne, puisque cette littérature est greffée sur la littérature francophone internationale'', explique-t-elle, notant que cette écriture a des spécificités propres, dans la mesure où la littérature est le reflet de la société dans laquelle elle s'inscrit. Il cite un grand écrivain marocain s'intéressant à la langue qui dit que ''le lecteur francophone marocain est automatiquement et obligatoirement bilingue. Car, il lit en français et traduit en arabe''. L'écrivaine, dont ses romans ''la répudiée'', ''la chambre des nuits blanches'' (éditions Marsam, 2002), ''les conspirateurs sont parmi nous'' (Marsam, 2006) et ''laisse mon corps te dire...'' (Marsam, 2016) ont été bien reçus, n'a pas fini de révéler toute l'étendue de son talent, d'écrire, de transmettre des messages, de porter la flamme de l'espoir. Sa devise dans la vie est : Toujours espérer, avoir foi dans l'avenir.