La perspective d'un parlement sans majorité, qui ne cesse de se préciser à l'approche des législatives britanniques du 6 mai prochain, confère de plus en plus d'importance aux petits partis acculés jusqu'à présent à un rôle de simple figurant. Par Hanane Berrai Même si elles ne remportent aucun siège, le nombre de voix recueillies par ces petites formations fera pencher, selon les observateurs, la balance du côté d'un des deux grands partis, travailliste ou conservateur. Le climat de crise économique avec son lourd tribut en termes de perte de postes d'emploi semble avoir renforcé l'incertitude parmi l'électorat, dont plusieurs franges ne cachent plus leur intention de voter pour les petites formations d'une part comme alternative et d'autre part pour sanctionner les labours et les tories. Le plus grand parmi ces petits partis, en l'occurrence le parti libéral démocrate (Lib-Dem), a réussi depuis l'annonce de la date du scrutin à renforcer sa côte de popularité, se présentant désormais comme un sérieux challenger. Les élections s'avèrent désormais une course à trois après l'ascension des Lib-Dem dans les sondages. Ce parti a réussi à reléguer dans les sondages le Labour, qui dirige le gouvernement sortant, à une troisième place peu honorable pour une formation qui préside aux destinées des Britanniques depuis 13 ans. Quoique les sondages ne créditent pas les autres petites formations, en particulier celles d'extrême droite: le parti nationaliste britannique (BNP) et le parti de l'Indépendance (UKIP), d'un grand score lors du prochain scrutin, la présence de ces dernières sera néanmoins remarquée. Les analystes de la presse londonienne n'écartent pas la possibilité de voir des représentants de ces formations remporter des sièges dans la future chambre des Communes (chambre basse du parlement). Les Britanniques se rappellent la déroute du labour lors des élections européennes de 2009, au terme desquelles le BNP et l'UKIP avaient respectivement remporté deux et treize sièges. Les conservateurs, qui devront accroître leur présence à la chambre des Communes de 117 sièges pour obtenir les 326 donnant la majorité, seront les principales victimes de l'ascension des petites formations, selon les analyses des médias. La chance des tories de décrocher une victoire à la majorité sera réduite en poussière, si les petits partis parviennent, comme le prédisent les sondages, à grignoter des sièges dans les circonscriptions où les tories souhaitent faire la différence. Selon Robert Hazell, chercheur à l'University College of London, cet état des lieux rend tous les scénarios envisageables: Une courte avance des Travaillistes qui permettrait au Premier ministre sortant de gouverner de justesse, une victoire à la majorité absolue des Conservateurs ou encore- et c'est le scénario le plus attendu un hung parlement (parlement suspendu) où aucun parti n'aura la majorité. Devant une telle situation, que le Royaume-Uni n'a plus connue depuis 1974, le chef du parti libéral-démocrate pourrait alors monnayer son soutien à un camp ou à l'autre, a indiqué le chercheur. Mais le Lib-Dem n'est pas le seul "faiseur de rois" dans cette course au Downing street. Des partis considérés comme étant minoritaires risquent de tirer le tapis sous les pieds des deux grandes formations dans des circonscriptions dites marginales, où ni les Tories ni le labour ne dispose d'un soutien avéré. L'UKIP, prochain allié des Tories? Au moment où le Labour pourrait se tourner vers le Lib-Dem pour renforcer sa présence, les Conservateurs sont plutôt susceptibles de chercher à gagner le soutien de partis de la droite avec lesquels ils semblent partager plus au moins des positions principalement en ce qui concerne les dossiers de l'Europe et de l'immigration.
Fondé en 1993, l'UKIP n'a eu de cesse de militer pour le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le parti œuvre pour que le Royaume-Uni "soit de nouveau gouverné par ses propres lois promulguées par son propre parlement". Dès sa création, ce parti d'extrême droite a attiré les élus de la frange antieuropéenne du Parti conservateur, qui était précisément divisé à l'époque par le débat sur le traité de Maastricht et le retrait de la livre Sterling du système monétaire européen. En effet, au fil des années, le nombre de personnalités pro-européennes au sein du parti conservateur a décliné. Nombre de députés au sein du parti conservateur sont fermement opposés à une intégration plus poussée et défendent ardemment la souveraineté nationale. Rappelons que les conservateurs étaient vigoureusement opposés au traité de Lisbonne et avaient promis un référendum national sur ce sujet, même après la ratification du texte par les deux chambres du Parlement. Il est alors fort probable qu'un gouvernement chapeauté par Cameron tente, après le scrutin du 6 mai, de "rapatrier" certains domaines politiques confiés à l'Union européenne. Quoiqu'une grande majorité des experts considèrent que de telles tentatives seraient vouées à l'échec, Cameron pourrait les entreprendre parce qu'une telle politique serait perçue sur le plan interne comme une preuve de son engagement dans la protection de la souveraineté nationale, si chère aux conservateurs. L'attitude "anti-européenne" du parti est principalement motivée par la volonté de conserver l'électorat traditionnel attiré par la doctrine anti-européenne de l'UKIP. Ce parti avait réussi à rafler plusieurs sièges aux conservateurs lors du scrutin de 1997, mais la percée de l'UKIP date des élections européennes de 2009 pendant lesquelles la formation politique a remporté treize sièges au Parlement de Strasbourg où il défend avec acharnement le retrait britannique de l'UE. Pour ce qui est de l'immigration, la pièce maitresse du programme électoral de l'UKIP est l'introduction d'un gel immédiat de cinq ans sur l'immigration, mettant ainsi fin à une "immigration massive incontrôlée". Sur ce même registre, les Tories dénoncent ce qu'ils considèrent comme une "immigration excessive" et proposent un système de quotas associé à la création d'une police des frontières. Pour leur part, les Verts britanniques, tout en s'éloignant de telles questions controversées, s'engagent dans la course électorale qu'ils supposent leur être profitable à la faveur de l'importance de la question climatique par les temps présents. Engagés derrière leur leader Caroline Lucas qui se porte candidate à Brighton (sud de l'Angleterre), les verts cherchent à gagner le soutien d'une classe moyenne progressiste et soucieuse des questions environnementales. Autrefois victime de "vote tactique" faisant apparaître que toute voix pour le parti Vert est perdue, le parti espère être considéré cette année comme la meilleure alternative pour empêcher la victoire des conservateurs.