La régénération de la politique, qui, comme la médecine, est un art du diagnostic, constitue une solution de la crise mondiale multiforme, a fait savoir, mardi à Casablanca, le sociologue français Edgar Morin. Le monde vit une crise culturelle de la pensée et de la connaissance, et les idées et principes du 19-ème siècle ne suffisent plus à la décortiquer, car le devenir s'est accéléré, les interférences se sont multipliées, a-t-il relevé, lors d'une conférence donnée à la faculté de droit sur le thème ''la régénération de la politique''. On est devant une équation difficile à résoudre d'autant plus que la politique a été réduite à l'économique, à la croissance du PIB, a-t-il noté, soulignant que la comptabilité ne peut comprendre la vie en elle même, saisir les joies et les malheurs, relever les espérances et les déceptions. Il faut trouver une politique fondamentalement différente qui repose sur la ''trinité humaine'' qui définit l'être comme un individu, un aspect de la société et une partie de l'espèce humaine, a-t-il poursuivi, ajoutant qu'on est devant une situation où s'interfèrent la morale de l'individu, celle de la société et celle de l'espèce humaine. Cette entreprise pourra remettre au devant de la scène l'Homo-sapiens (homme de la raison) qui a été relayé au second plan par ''homo-economicus'' a expliqué M. Morin, relevant au passage que la finalité première de la politique est de promouvoir la liberté en développant le sentiment de communauté. Ce dernier implique la solidarité et la responsabilité qui constituent deux sources de l'éthique qui doit irriguer la politique, a-t-il dit, notant que le développement, depuis les années 90 en Occident, de l'individualisme et de la compartimentation a dégradé, voire désintégré les solidarités traditionnelles. Ce phénomène a également impacté la démocratie, ce qui a engendré des tendances au repli sur soi et la défense des seuls intérêts propres, a-t-il dit, ajoutant que la mondialisation et la généralisation du capitalisme et du libéralisme avec l'uniformatisation qu'ils entraiment, constituent une menace pour la démocratie qui a besoin de conflit d'idées, d'opinions divergentes et de débats. Selon lui, cette mondialisation a, en outre, fait en sorte que les problèmes des sociétés occidentales deviennent des préoccupations planétaires engendrant, un peu partout, la dégradation des solidarités traditionnelles, le mal être psychique et moral, l'angoisse, l'inflation consommatrice et le besoin effréné de tranquillisants, ajoutant que ''le bien être s'est dégradé, car il est devenu synonyme de consommation de choses matérielles''. Il faut repenser ce processus qui concerne notre destin à tous qu'est la mondialisation et stopper la standardisation qui menace les cultures, leurs vertus et leurs spécificités, a-t-il dit. Par ailleurs, il a fait remarquer que plus le monde devient un village planétaire, plus ses habitants ne se comprennent pas. ''L'unification technico-économique enclenchée les années 90 s'est accompagnée de guerres fratricides dans nombre de continents et de renfermement sur soi'', a-t-il indiqué, ajoutant que devant un avenir incertain et un présent malheureux, les gens se projettent sur le passé, le repli identitaire. L'humanité est sommée de devenir solidaire pour faire face aux défis qui lui sont posés, comme le réchauffement planétaire, la prolifération nucléaire et la dégénérescence économique, a-t-il martelé. Il faut casser les dépendances économiques, promouvoir l'agriculture vivrière et biologique, développer l'artisanat régional ou encore l'économie solidaire, tout en encourageant sur le plan mondial la solidarité ou encore les échanges culturels, a-t-il souligné. L'Humanité regorge de forces de vie pour enclencher et développer un mouvement de régénération et de métamorphose pour maintenir l'espérance, car le combat pour la survie est le meilleur à jalonner l'histoire de l'homme, a-t-il conclu.