Le Maroc a appelé à rechercher de "véritables remèdes" pour reconstituer les stocks de thon rouge et à ne pas se contenter de demi-mesures, estimant que le problème de ce poisson "n'est pas celui de sa commercialisation, mais plutôt celui du niveau de la pression de la pêche qu'il subit". Dans son intervention, jeudi soir, devant le comité en charge du thon rouge à la conférence de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction (CITES), qui se tient actuellement à Doha, l'ambassadeur du Maroc au Qatar, M. Abdelaadim Tber, a soutenu que des mesures, "même plus draconiennes", soient mises en oeuvre, mais, a-t-il dit, "à condition que ça se fasse sous les auspices des instances spécialisées en charge de la gestion des ressources, et selon les formules qu'elles estiment appropriées". M. Tber, qui intervenait dans le cadre de la discussion d'une proposition de Monaco visant à interdire le commerce du thon rouge sous prétexte qu'il est menacé d'extinction, faisait ainsi allusion à la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique (ICCAT), organisation de pêche inter-gouvernementale responsable de la conservation des thonidés et des espèces apparentées de l'océan Atlantique et de ses mers adjacentes. Selon le diplomate, il est "prématuré d'explorer d'autres voies et de faire appel à d'autres instruments dont ceux de la CITES, puisque le plan mis en oeuvre pour la reconstitution de ces stocks est encore tout récent". "Nous pensons que l'inscription du thon rouge dans les annexes de la CITES n'est actuellement pas justifiée et qu'il serait même contre-productif de tenter de vouloir faire mieux que ce qui se fait au sein des organisations qui s'attèlent à la lourde tâche d'assurer la reconstitution de ce stock", a-t-il plaidé. "Nous convenons que le thon rouge doit être préservé, que des mesures, même plus draconiennes, doivent être prises, et elles le sont déjà. Nous adhérons à tout l'arsenal de mesures existant et plus si nécessaire, pourquoi pas même un moratoire ?", a encore souligné l'ambassadeur. M. Tber, qui dirige une forte délégation des départements marocains concernés, a en outre souligné que l'inscription d'une espèce telle que le thon rouge dans les annexes de la CITES occasionnera une charge supplémentaire très lourde en matière de recherche et de financement. Il a ainsi rappelé que l'ICCAT, qui est en charge de la gestion de ces stocks, se réunit une fois par an et dispose de moyens humains et de ressources financières conséquentes pour mener à bien sa mission. "A se demander donc, a-t-il dit, si la CITES a vraiment besoin d'une telle surcharge dans ses activités déjà assez diversifiées entre le monde végétal et animal". Soulignant que la situation du thon rouge est "bien sûr préoccupante, car il s'agit d'une espèce emblématique qu'on a tout intérêt à préserver surtout pour les pays où sa pêche est ancestrale et artisanale, l'intervenant a rappelé, dans ce contexte, que 2000 familles marocaines vivent de la pêche de ce poisson, et que le Royaume met en oeuvre toutes les mesures nécessaires à la préservation de l'espèce, tant au plan international, que régional et national. Il a notamment rappelé que le Maroc a gelé les investissements et limité son effort de pêche national depuis bientôt 20 ans et n'a pas cherché non plus à développer une flotte de thoniers, alors que le pays aspire à créer de nouveaux emplois et tout particulièrement dans les régions où la pêche constitue l'unique activité économique. Les différentes organisations devraient mettre en commun leurs expertises pour parvenir à une meilleure gestion, tout en préservant l'intégrité de la responsabilité et le champ de compétence de chacune pour les stocks dont elle a la charge, a-t-il préconisé. Après un débat très animé et l'absence d'un consensus, le comité est passé au vote et la proposition monégasque a été rejetée par 68 voix contre 20. Ouverte depuis samedi dans la capitale qatarie, cette 15ème CITES réunit quelque 1500 participants qui, pendant deux semaines, se penchent sur une quarantaine de nouvelles propositions visant à mieux "veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent".