"Le patrimoine oral à Tafilalet : typologie et composantes" est l'intitulé d'un ouvrage en trois volumes, paru récemment, en langues arabe et amazighe, aux "Imagerie-pub" à Fès, sous la direction des écrivains et chercheurs Said Karimi et Moha Souag. Edité avec le soutien de l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), cet ouvrage a nécessité la conjugaison des efforts de plus de quarante chercheurs académiques, et néanmoins férus du patrimoine oral du Tafilalet qui ont fait appel à la mémoire comme aux méthodologies scientifiques pour restituer une richesse artistique multiethnique et multilinguistique. "Le souci d'entreprendre des recherches dans le patrimoine oral du Tafilalet n'est point un hasard, c'est plutôt une résultante logique et naturelle de son importance capitale, de par sa richesse, sa diversité et son prolongement historique et son ouverture sur une palette de cultures...", a souligné Said Karimi, secrétaire général de la section locale de l'Union des Ecrivains du Maroc (UEM), instance qui a supervisé ce grand projet culturel. Les deux premiers volumes de ce dur turbin, déclinés en 726 pages, compilent des textes de Madih, Melhoun, Jorfi, Beldi, Gnaoui, Mellouli, proverbes, énigmes, contes et historiettes, ainsi que le Zajal (poésie dialectale). Une richesse culturelle qui a été sauvé de dilapidation. Si les auteurs de beaucoup de textes collectés restent inconnus, notamment en matière de Madih, d'autres par contre sortent de leur anonymat, tels Moulay Idriss Azizi Alaoui, Abdelkerim Sadki Hilali, Mustapha Abdessamii Alaoui, Driss Ben Bouazzaoui, Mehdi Bouzekri, Hadj Mbarek Sghiri. Réservé au patrimoine oral amazigh du Tafilalt, le troisième volume (431 pages) reste marqué par la présence de trois graphies, en l'occurrence l'alphabet arabe, l'alphabet latin et le Tifinagh. "On ne voulait pas imposer une classification grecque, latine ou arabe à une littérature qui est entrain de se faire et surtout qui pourrait dégager certains genres qui lui sont spécifiques", a écrit l'écrivain d'expression française Moha Souag, en guise d'introduction de ce volume. Les chercheurs ayant eu la charge de rendre compte de ce patrimoine, se sont affrontés à des problèmes de taille, notamment la distinction entre la prose et la poésie. "La littérature amazighe a une métrique, une versification, une prose spécifique à chaque genre et à chaque région", a ajouté Souag. Dans ce volume, beaucoup de genres ont été couverts par les chercheurs, tels le Warru, Lfall n Islan, Izlan n Ihidas, Timediazin, Timnadin...Les chercheurs ayant contribué à ce labeur intellectuel estiment qu'"il y a encore de la matière à sauver, il suffit de se mobiliser davantage".