"Le patrimoine oral à Tafilalet : typologie et composantes", ouvrage en trois volumes paru fin 2009, a été présenté, dimanche à Boudnib (87 km à l'est d'Errachidia), à l'initiative de l'association "Al Ouaha". Organisée en partenariat avec l'Union des Ecrivains du Maroc (UEM-section d'Errachidia), cette rencontre s'est déroulée en présence d'écrivains et chercheurs ayant contribué à la réalisation de cet ouvrage, de 1.157 pages, en langues arabe et amazighe. Les intervenants ont ainsi mis l'accent, chacun selon sa spécialité, sur les axes thématiques de cette œuvre, réalisée à la faveur de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), en l'occurrence, les arts du jerfi, beldi, melhoun, izlan, tamdiazt, mellouli, missouri et d'autres variétés des composantes et types du patrimoine oral du Tafilalet, en tant que zone culturelle et non géographique. Said Karimi, l'un des deux coordinateurs de cet ouvrage, a ainsi expliqué qu'il ne s'agit là que d'une infime partie du patrimoine de la région Tafilalet, soulignant que le chantier reste toujours ouvert aux chercheurs afin de jeter la lumière sur des corpus jusque là inconnus. Rappelant la démarche de travail du groupe de chercheurs, le secrétaire général de la section de l'UEM à Errachidia a souligné que les textes collectés comprennent des singularités lexicales, reflétant dans des condensés sémantiques, la simplicité des gens, leur solidarité, leur culture, ainsi que leur mode de vie dans différents espaces : désert, montagne, oasis. De son côté, l'écrivain Moha Souag, a passé en revue quelques difficultés techniques auxquelles les chercheurs ont fait face, dont la transcription des différentes variétés de la poésie amazighe. Selon l'auteur de "La femme du soldat", le champ culturel et patrimonial dans le Tafilalet nécessite plusieurs recherches, notamment sur l'architecture des ksours, les modalités d'exploitation des ressources hydriques et le mode de vie nomade.
Pour sa part, Zaid Ouchna, chercheur amazigh, a mis l'accent sur la diversité culturelle qui marque la région du Tafilalet, faisant remarquer que "le pays a besoin de toutes ses potentialités, ses énergies et ses richesses pour progresser". Spécialiste de l'art du Melhoun, Mustapha Abdessamii Alaoui est revenu, quant à lui, sur cet art apparu à Tafilalet dès le 10è siècle, comme étant une poésie rythmée ou accompagnée d'une partition musicale, qui a pris ses distances avec l'art de la "Halqa". Selon lui, cet art a traité toutes les thématiques possibles, au point de retracer une histoire de la vie sociale dans ses détails, à travers des "qsidas" portant sur la politique, l'amour, les rapports sociaux, l'ironie, la satire ou encore les coutumes. Cet ouvrage a nécessité la conjugaison des efforts de plus de quarante chercheurs férus du patrimoine oral du Tafilalet qui ont fait appel à la mémoire pour restituer une richesse artistique multi-ethnique et multilinguistique. Les deux premiers volumes de cet ouvrage compilent des textes de madih, melhoun, jorfi, beldi, gnaoui, mellouli, les proverbes, contes et anecdotes ainsi que le zajal. Si les auteurs de plusieurs textes collectés restent méconnus du grand public, notamment en matière de madih, d'autres, par contre, sortent de leur anonymat, tels Moulay Idriss Azizi Alaoui, Abdelkerim Sadki Hilali, Mustapha Abdessamii Alaoui, Driss Ben Bouazzaoui, Mehdi Bouzekri, Hadj Mbarek Sghiri. Consacré au patrimoine oral amazigh du Tafilalet, le troisième volume reste marqué par la présence de trois graphies, en l'occurrence l'alphabet arabe, l'alphabet latin et le tifinagh.