L'Argentine a perdu, avec le décès, samedi, de l'écrivain Ernesto Sabato (99 ans), "un symbole de la patrie" et un militant "engagé" pour les causes de son pays. Par: Idriss Tekki L'Argentine perd ainsi le dernier mythe vivant de sa littérature, une figure du poids de Jorge Luis Borges, Julio Cortazar ou Mario Benedetti, et un éminent défenseur des droits de l'homme dans ce pays sud-américain. Plusieurs personnalités des mondes de la culture et de la politique ont rendu hommage à Sabato, qui s'est éteint, samedi à Santos Lugares, dans la banlieue de Buenos Aires, suite à une bronchite qui a compliqué son délicat état de santé. Sa passion pour le monde magique de la littérature le poussa en 1945 à abandonner son travail au Laboratoire Curie à Paris pour se consacrer à la production littéraire. Lauréat du Prix Cervantes (1984), la plus haute distinction de la littérature en langue espagnole, ce physicien de formation, fait ainsi de sa plume son cheval de bataille pour s'attaquer, avec courage, responsabilité et engagement, aux maux qui tourmentent la société argentine. Pour Adolfo Pérez Esquivel, Prix Nobel de la Paix 1980, Sabato a menu "une vie très fructueuse et très participative aux problèmes sociaux et humanitaires de son pays". "Il a beaucoup apporté au pays et à l'Humanité avec sa responsabilité sociale, culturelle et politique", a-t-il ajouté. L'écrivain avait présidé en 1984 la Commission nationale sur la disparition des personnes (Conadep), qui avait rédigé le fameux rapport "Nunca Jamas" (Plus jamais), un ouvrage clé sur les horreurs de la dernière dictature militaire en Argentine (1976-1983). Pour l'historien Felipe Pigna, le décès de Sabato représente "une grande perte, car il s'agit d'un homme de grande valeur pour la culture argentine". "C'est un homme qui a approché les gens de l'Histoire à travers ses livres, comme le cas de +Héros et tombes+, qui a encouragé beaucoup de jeunes à s'intéresser à cette discipline", a indiqué l'auteur de l'oeuvre "Les mythes de l'Histoire Argentine". De son côté, le cinéaste Mario Sabato, fils du défunt, a noté que "la majeure vertu de mon père fut son honnêteté", soulignant que le défunt "n'appartient pas seulement à sa famille, mais à tous les gens qui l'aimaient". Le ministre de l'Education, Alberto Sileoni, a souligné de son côté que Sabato s'est distingué, entre autres, par "son apport à la démocratie", et sa contribution à la reconstruction de la mémoire des Argentins. Né le 24 juin 1911 à Rojas, Sabato a reçu dimanche un vibrant hommage à la Foire du Livre de Buenos Aires. Les organisateurs de la Foire voulaient anticiper le 100è anniversaire de l'écrivain prévu le 24 juin. A cause de sa cécité, Sabato, lauréat également des prix Menéndez Pelayo (1997) et Gabriela Mistral (1983), accordé par l'Organisation des Etats Américains (OEA), a abandonné au cours des dernières années l'écriture pour plonger dans son autre passion, la peinture. Parmi ses plus importants écrits, on peut citer la trilogie composée de "El Tunel" (Le Tunnel) (1948), "Sobre Heroes y Tumbas" (Héros et Tombes) (1961), et "Abadon el exterminador" (Abadon l'exterminateur) (1974), et "El escritor y sus fantasmas" (L'écrivain et ses fantasmes-1963).