Lors d'une cérémonie marquée par des témoignages sincères et poignants, l'Institut Cervantès de Rabat et le département de langue et littérature espagnoles de la faculté de lettres, ont rendu hommage, le 5 octobre, à l'écrivain espagnol résidant au Maroc. L'espace exigu de la salle polyvalente du siège central de la faculté de lettres de Rabat aura rarement été aussi bondé que ce mardi 5 octobre, dans l'après-midi. Et pour cause, la cérémonie organisée ce jour-là valait le déplacement. Une fois n'est pas coutume dans un pays où les seuls hommages qu'un homme de lettres puisse recevoir revêtent presque toujours un caractère posthume; c'est à un grand écrivain, l'un des plus grands d'expression espagnole, qu'un hommage a été rendu. L'homme et l'écrivain en question n'est autre que le Catalan universel, Juan Goytisolo. Un hommage que ni les moyens techniques défaillants, ni l'exéguïté, la promiscuité et la chaleur qui régnaient dans les lieux n'ont entaché. Organisée par l'Institut Cervantès de Rabat et le Département de langue et littérature espagnoles de la faculté de lettres, cette cérémonie n'en aura pas moins été marquée par des témoignages aussi sincères que poignants. Des personnalités littéraires, dont la qualité n'est plus à démontrer, se sont succédés, exprimant chacune l'influence qu'a exercé sur elle cet écrivain, qu'on qualifie de solitaire et frontalier, mais aussi de témoin moral de notre temps et militant infatigable contre toutes les injustices qui créent des marginalisations ethniques, religieuses et politiques. Des positions et des engagements auxquels l'oeuvre de Juan Goytisolo n'échappe pas. Une œuvre traversée par ailleurs par une volonté tenace de restituer à la culture arabe sa part légitime dans la formation du paysage historique et culturel de l'Espagne et de l'Europe. Des aspects sur lesquels ont insisté les intervenants (le professeur Ahmed Ararou, le romancier et actuel ambassadeur d'Espagne à l'UNESCO, José Maria Ridao, l'essayiste et professeur universitaire Abdelfettah Kilito, et le traducteur Brahim Khatib, celui à qui revient le mérite d'avoir traduit une grande partie de l'oeuvre de Juan Goytisolo). Pour Ahmed Ararou, « c'est grâce à Juan Goytisolo que toute une génération de lecteurs a pu découvrir, non seulement l'étendue de l'art propre à l'auteur, mais aussi l'art de plusieurs espagnols qu'il a mis en lumière ». Des auteurs, mais aussi des époques. Un point sur lequel Abdelfettah Kilito, peu loquace et encore moins habitué des cérémonials de ce genre, a insisté, se faisant un véritable plaisir de décortiquer l'œuvre de Goytisolo à travers le roman de ce dernier, «Etat de siège». Et de déclarer, suivant en cela le romancier espagnol, que les œuvres de Goytisolo ne sont pas à lire, mais à relire. Lu, Goytisolo l'est bel et bien, au Maroc et dans le pays arabes. Une précision apporté par le traducteur Brahim Khatib qui a déclaré que Goytisolo fait partie des quatre écrivains d'expression espagnole, et non des moindres, puisqu'il s'agit de Jorge Luis Borges, Gabriel Garcia Marquez et Cervantes, les plus lus dans le monde arabe.