Des universitaires, sociologues et démographes ont mis en garde, jeudi à Meknès, contre le vieillissement rapide de la population dans les pays du sud, mais aussi contre la quasi-absence de véritables politiques publiques d'accompagnement de cette frange de la société. Réunis dans le cadre d'un colloque sur la thématique " Vieillissement de la population : famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées ", les intervenants ont relevé qu'outre " la maitrise de leur fécondité, les pays du sud auront à faire face à un enjeu majeur ayant trait à l'accompagnement économique et social du vieillissement de leur population ". Les enjeux sociétaux du vieillissement des populations seront probablement parmi les plus importants du 21-ème siècle, souligne d'emblée M. Loic Vaillant, président de l'université de Tours. Le vieillissement démographique sera bien plus rapide dans les pays du sud qu'il ne l'a été dans les pays du Nord, estime M. vaillant, représenté au colloque par la doyenne de la faculté de droit de Tours. Un vieillissement qui sera, selon lui, porteur d'enjeux majeurs dans des pays qui sont encore actuellement considérés comme des " pays jeunes ". Constatant que les connaissances scientifiques actuelles sur le niveau de vie des personnes âgées vivant au sud, leurs relations sociales et leur état de santé restent encore imprécises, l'universitaire a invité les chercheurs en sciences sociales à contribuer à l'enrichissement des études et du débat universel sur ce sujet. Un avis partagé par le président de l'université Moulay Ismail de Meknès, M. Ahmed Lebrihi, qui note, lui aussi, que " nos sociétés vivent actuellement une véritable métamorphose démographique qui ira en s'accentuant dans les prochaines décennies ". Les problèmes engendrés par ces changements risquent d'être insurmontables si des mesures économiques et sociales appropriées ne sont pas proposées pour accompagner ce phénomène, souligne-t-il. Des mesures qui passent, selon lui, par la proposition de nouvelles idées, voire des pistes de travail permettant de mieux aborder le phénomène dans le futur. Michel Loriaux, professeur émérite à l'université catholique de Louvrain-La-Neuve, estime, pour sa part, que le processus de vieillissement de la population dans les pays du sud sera " difficile à gérer, dans la mesure où ce problème est relevé en parallèle avec une série d'autres questions +plus importantes+ liées, entre autres, au chômage, à la santé et à la pauvreté ". Toutefois, la recherche de politiques d'intégration des personnes âgées ne doit pas occulter une autre préoccupation beaucoup plus importante se rapportant au changement profond des modes d'organisation sociale et aux relations intergénérationnelles, fait remarquer le chercheur. Pour M. Loriaux, " il convient avant tout de chercher à promouvoir la coexistence pacifique entre les générations, réactiver la cohésion sociale et partager, à juste titre, le profit collectif de la société ". Cette question de solidarité intergénérationnelle a été soulevée par le démographe Youssef Courbage, de l'Institut national d'études démographiques en France, qui a relevé que " devant un système de sécurité sociale et de pensions, qui sera mis à rude épreuve face au vieillissement, la famille pourrait rester l'institution la plus indiquée pour accueillir les personnes âgées ". Le chercheur souligne, toutefois, que l'image n'est pas si sombre, dans la mesure où les données démographiques les plus récentes montrent que " si le phénomène du vieillissement dans les pays du sud est une réalité inéluctable à l'horizon des prochaines décennies, ses conséquences néfastes sont largement surestimées au vu des bénéfices attendus de la transition démographique ". Les projections démographiques récentes remettent en question l'image de croissance explosive, longtemps attachée aux populations arabes ou musulmanes du sud, a-t-il expliqué, ajoutant que ces projections montrent que la transition de la fécondité est bien engagée et que les indices convergent avec ceux du nord. Les bénéficies attendus de la transition démographique pourraient ainsi largement dépasser les couts du vieillissement, a-t-il conclu. Trois jours durant, le colloque, initié par la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Meknès, débattra d'une série d'axes portant sur "statut et représentation des personnes âgées dans les pays du sud", "familles et solidarités", "conditions de vie des personnes âgées", "solidarités publiques et privées" et "vieillesse et habitat".