Rappelons que le dinar algérien était coté au début des années 90 à 20 dinars le dollar, mais s'est rapidement déprécié après l'accord du rééchelonnement de 1994 avec une cotation d'environ 40 dinars un dollar entre 1994/1995, pour atteindre aujourd'hui plus de 68 dinars pour un dollar et 100 dinars pour un euro. Et bien qu'ayant connu des dépréciations entre 2000/2008, comparé aux deux pays du Maghreb, le Maroc et la Tunisie, le dirham marocain coûte 10 fois la monnaie nationale (11 dirhams = 1 euro) et le dinar tunisien a atteint 1,820 dinar pour 1 euro le 1er juillet 2008. La réponse du gouvernement algérien ne s'est pas fait attendre via la Banque d'Algérie qui a émis de fortes réserves, voire son refus. Lorsqu'on sait l'impact du FMI auprès des investisseurs potentiels sérieux (rappelons qu'une seule des plus grandes multinationales a une capitalisation boursière supérieure aux réserves de change de l'Algérie), il s'agit donc d'analyser avec sérieux les deux arguments. Les deux postions sont-elles inconciliables ou ne pourrait-on pas trouver des passerelles d'entente ? Je ne saurai insister le fait que les réserves de change ne sont qu'un signe monétaire,pouvant ne pas refléter la situation réelle d'une économie, que la valeur de la monnaie n'est pas neutre, influant sur les rapports sociaux et que les politiques de change doivent se situer dans leurs contextes économiques et politiques ainsi que dans les données structurelles et économiques. La dualité Nord-Sud d'une part, et d'autre part, les différentes turbulences cycliques de l'économie mondiale où le dollar représente actuellement plus de 70% de la valeur des transactions mondiales avec une percée de l'euro , dont la dernière est celle de la crise hypothécaire montre clairement cette non-synchronisation (d'où l'urgence de mécanismes de régulation supranationaux) entre la dynamique économique et la dynamique sociale et la sphère réelle et financière. 1. Les arguments du gouvernement algérien La cotation actuelle selon le gouvernement garantit la stabilité du taux de change et permet aux nationaux et étrangers par la réduction des incertitudes en matière de prix d'encourager les exportations par le confortement de la compétitivité externe. Par ailleurs, l'Algérie justifie que 98 % de sa production proviennent des ressources éphémères et la réévaluation du dinar aurait comme conséquence directe vers l'explosion des importations. On ne peut envisager la réévaluation du dinar que s'il y a une production hors hydrocarbures. Aussi, par la voie de la Banque d'Algérie pour le gouvernement algérien «le taux de change effectif réel du dinar est proche de son niveau d'équilibre et que la politique de change de l'Algérie a pour objectif, depuis la seconde moitié des années 1990, la stabilisation des taux de change effectif réel à long terme du dinar. Le risque donc selon le gouvernement est un transfert massif de capitaux d'autant plus qu'au niveau du marché parallèle actuellement le dinar est échangé avec un taux de 120 dinars pour un euro. .Cette réévaluation ne creuserait-elle pas cet écart ? Cet argument du gouvernement est soutenu par l'Association des banques (ABEF), rappelons-le en majorité des banques publiques donc relevant de l'Etat, pour qui la valeur du dinar par rapport à la parité internationale est stable depuis 10 ans, changeant en fonction de la valeur des monnaies de référence, notamment le dollar et l'euro. Mais il existe des sous-entendus à travers le communiqué du gouvernement. Une réévaluation du dinar, outre la hausse du coût salarial reconverti en devises fortes, aurait immédiatement une conséquence économique avec des incidences sociales et politiques du fait du fondement du système rentier .75% des recettes fiscales provenant des hydrocarbures libellés en dollars au niveau international mais reconverti en dinars au niveau du marché intérieur, une réévaluation par exemple de 30% entraînerait une diminution de la même proportion creusant le déficit public et devant forcément entraîner une rationalisation des dépenses publiques alors qu'existe une dominance des emplois rentes via une distribution passive de la rente pour assurer une paix sociale certes transitoire. Et d'autant plus que l'Algérie étant liée à l'Accord pour une zone de libre- échange avec l'Europe applicable depuis le 1er septembre 2005, allant vers un dégrèvement tarifaire zéro horizon 2012/2015, il ne lui sera pas possible d'augmenter les taxes douanières. 2. Les arguments du Fonds monétaire international Le FMI estime quant à lui que la valeur du dinar (cent dinars pour un euro) est loin de refléter l'aisance financière du pays. «Pour cette institution internationale, l'Algérie, à l'instar des pays pétroliers, devrait surévaluer sa monnaie eu égard aux sommes colossales générées par la rente pétrolière.». Les arguments de dynamisation des exportations et de compétitivité hors hydrocarbures du gouvernemental algérien ne tiennent pas la route face à la situation actuelle de l'économie algérienne car avec un euro 100 dinars, il a été impossible de dynamiser les exportations hors hydrocarbures et ce depuis de longues années malgré des assainissements répétées des entreprises publiques et des recapitalisations répétées des banques publiques. Pour preuve, selon le FMI les exportations hors hydrocarbures ne représentent que 2 % des ventes algériennes entre 2000/ 2007. Le blocage est ailleurs. Selon le FMI et d'ailleurs la Banque mondiale,(voir l'influent Financial Times du mois d'août 2008) il existe en Algérie, une relative aisance financière mais une stagnation relative de la croissance tirée essentiellement par les dépenses publiques du fait de la faiblesse des entreprenants privés soumis à de nombreux obstacles (bureaucratie, corruption système financier, foncier ect.) . D'une manière générale, cette situation est imputable à la faiblesse des réformes de secondes générations, bien que l'Algérie ait réussi relativement la stabilisation macroéconomique mais éphémère sans les réformes institutionnelles et microéconomiques. On le constate récemment où l'Algérie a renoué avec l'inflation (pour des raisons externes mais également internes) et le chômage qui ont atteint des taux respectifs de 12 et 20 %, selon le rapport de la Banque mondiale, taux qui ne concordent pas avec les données officielles qui parlent d'un taux d'inflation de 5 % et d'un taux de chômage de 11 % d'où d'ailleurs l'importance selon le mémorandum du FM remis aux autorités algériennes en septembre 2005 d'avoir un système d'information crédible car il existe trop de contradictions de ministère à ministère et d'incohérences dans le système d'information algérien. Aussi, le FMI estime que la réévaluation du dinar est susceptible de contribuer à mieux adapter l'Algérie aux mutations mondiales, de dynamiser l'investissement local et d'attirer les investissements étrangers à valeur ajoutée, donc facteur de création d‘emplois et de croissance (les biens d'équipement et les matières premières importés coûteront moins cher). Par ailleurs, elle permettrait d'améliorer le niveau de vie des Algériens. Car en maintenant le taux de change à sa parité actuelle,et malgré les subventions évaluées pour 2008 à 1,5 milliard d'euros ( solution de facilité car elles profitent même aux plus favorisés alors que cela suppose le ciblage par couches sociales ), cela signifie avec l'envolée des prix au niveau international, l'Algérie important presque tout, un transfert d'une partie de ces hausses des produits de base sur le consommateur algérien. En effet, en termes de parité soit en dollars ou euros nous aurons une augmentation du pouvoir d'achat des Algériens de 30 %. Le Smig actuellement de 120 euros serait alors de 156 euros, et les produits importés coûteront 20 % moins cher. En conclusion, les arguments de la Banque d'Algérie relatifs au maintien de sa politique de change ne sauraient concorder avec la logique du Fonds monétaire international. La réévaluation de la monnaie nationale et la conséquence qui devrait s'ensuivre l'intégralité de la convertibilité du dinar (encore qu'elle est effective sur le plan commercial hormis les lourdeurs administratives dans les délais du virement) ou pas, n'est pas un acte technique mais une décision d'une importance politique cruciale qui a des incidences économiques et sociales, qui devra être débattu sereinement. Cela est intiment lié à la problématique de la réforme globale et à l'urgence d'une visibilité dans la démarche de la politique socio-économique. En plus qu'il faille tenir compte de l'importance de la sphère informelle produit sur le système bureaucratique, qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation avec une intermédiation financière informelle limitant la politique monétaire globale du gouvernement, supposant son intégration intelligente pour asseoir un Etat de droit et l'économie de marché concurrentielle loin de tout monopole qu'il soit public ou privé. En conséquence, je pense que toute décision de cette importance ne pourra être prise qu'après l'élection présidentielle prévue le 8 avril 2009. source: nouvelle république Alger