Au terme de sa visite, le président Bouteflika a fait la déclaration suivante: "C'est une visite politique. Je repars les mains vides. Je ne considère pas que l'on ait fait quelque geste que ce soit". "J'ai été bien reçu et c'est le peuple algérien qui a été honoré. Le reste, je crois que chaque chose en son temps", a-t-il ajouté. "Les Algériens ne vont pas changer maintenant". "Nous avons conquis notre indépendance de haute lutte. Il y a eu une guerre d'Algérie. Cette page d'histoire a été tournée", a-t-il précisé. Et pourtant, comme la presse d'Alger le soulignait à son arrivée à Paris le président Abdelaziz Bouteflika a reçu un accueil où tous les honneurs ont été déployés. Jacques Chirac était venu en personne saluer son hôte à son arrivée à l'aéroport d'Orly. Les deux hommes ont aussitôt eu un premier entretien au Palais de l'Elysée. En fait, un "souffle nouveau", tel a été le sens de la visite qu'Abdelaziz Bouteflika a effectué en France. Le chef de l'Etat algérien, le premier à effectuer un tel déplacement depuis Chadli Bendjedid, en 1983. Au cours de son séjour, le Président Bouteflika a adressé ''un message de véritable réconciliation'' aux députés français dans un discours de 40 minutes prononcé à l'Assemblée nationale. Lors du dîner offert en son honneur à l'Elysée, Abdelaziz Bouteflika a souligné que la culture française conservait "encore une place de choix dans la société algérienne". "Maintenant que nous pouvons, sans contrainte, revenir à nos valeurs originelles, nous reconnaissons sans difficulté que notre personnalité est aussi imprégnée de culture française". Il a relevé qu'une bonne partie de l'importante colonie arabe et musulmane de France est formée d'Algériens, dont la plupart sont maintenant des citoyens français. "Ils conservent dans leur tréfonds une sensibilité qui les rattache encore à leur pays d'origine. Ils sont jeunes en général et ont besoin de connaître leurs origines (...) L'affirmation de leur personnalité est un élément de leur équilibre et peut-être même une condition de leur insertion réelle", a-t-il ajouté. Il a rappelé "les ouvriers qui sont venus offrir leurs bras" et les "soldats qui sont venus offrir leur sang et leur vie pour la liberté de la France", mais également "ceux qui ont été contraints à un moment de quitter leur pays et que l'on appelle généralement des pieds noirs". Mais Abdelaziz Bouteflika a relevé une inégalité: "De toute évidence, nous vous connaissons beaucoup mieux que vous nous connaissez (...) Je demande que soit encouragé chez vous (...) une information plus fournie et plus équitable sur le monde arabe et musulman", a-t-il dit. Un des sujets débattus a été le droit des harkis et leurs enfants à "circuler librement sur la terre qui les a vus naître. Les harkis sont les anciens supplétifs de l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Leur communauté est estimée officiellement à 153.000 personnes. Mais la réponse du président a été très directe. Une réponse que beaucoup de français peuvent comprendre, certaines plaies prennent des années pour se cicatriser et celle-ci en est sûrement une. "Les conditions ne sont pas encore venues pour des visites de harkis", a-t-il dit. "C'est exactement comme si on demandait à un Français de la résistance de toucher la main d'un collabo", a-t-il expliqué. "C'est un problème politique important dans mon pays. L'opinion n'est pas mûre pour ce genre d'opération", a-t-il ajouté. Abdelaziz Bouteflika a refusé de dresser un bilan de sa visite, malgré l'annonce de la décision de la France de convertir une partie de la dette extérieure - 400 millions de francs (61 millions d'euros) - de l'Algérie en investissements lorsque le Club de Paris, qui réunit les Etats créanciers, aura donné son feu vert. "Les dossiers seront traités au fur et à mesure que les problèmes seront abordés au niveau des ministres chargés de les traiter", a-t-il commenté.