Les grandes puissances réunies à Vienne pour sauver les pourparlers sur la paix en Syrie n'ont pas pu avancer de calendrier pour la reprise des négociations mais s'accrochent à l'espoir d'établir un cessez-le-feu durable. Les chefs des principales diplomaties mondiales ont réaffirmé leur volonté de voir se poursuivre les discussions intersyriennes, interrompues en avril, mais ont reconnu qu'aucun rendez-vous n'était en vue. Ils se sont même montrés moins fermes sur la date butoir du 1er août pour amorcer une transition politique dans ce pays en guerre. «Une date exacte ? Je n'en dis rien pour le moment», a commenté l'émissaire de l'ONU pour la Syrie Staffan de Mistura, à l'issue de la réunion. «Des pourparlers intersyriens seront crédibles quand la cessation des hostilités sera crédible et que des progrès crédibles auront été réalisés sur le plan humanitaire», a-t-il ajouté. Le Secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov ont affirmé l'engagement du Groupe international de soutien à la Syrie à mettre en place un cessez-le feu durable dans le pays alors que la trêve est régulièrement violée sur le terrain depuis fin avril. Ainsi, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a annoncé la mort d'au moins 50 combattants et deux civils mardi dans des affrontements entre groupes rebelles dans la province de Damas. «Nous nous sommes mis d'accord pour réagir si des parties prenaient des initiatives visant à autre chose qu'à un accord et qu'à la paix «, a déclaré M. Kerry. Il s'agit ni plus ni moins que d'un avertissement sur un possible «retour à la guerre totale», a réagi Salem al- Meslet, porte-parole du Haut comité des négociations (HCN), qui regroupe une grande partie de l'opposition syrienne. Le processus international en cours depuis plusieurs mois pour mettre fin au dévastateur conflit syrien s'est fixé trois objectifs : un cessez-le-feu permanent, un accès à l'aide humanitaire garanti, la mise en place de la transition politique. Le Groupe international de soutien à la Syrie (GISS, désormais 21 pays et trois organisations multilatérales), coprésidé par la Russie et les Etats-Unis, a reconnu que le compte n'y est pas. Le Secrétaire d'Etat américain a assoupli le calendrier de négociation qui prévoit la mise en place au 1er août d'un organe syrien de transition politique prévu par une résolution de l'ONU. Il s'agit d'un «objectif» et pas d'»une date-butoir», a-t-il dit. Il a également annoncé que les villes syriennes assiégées par les forces du régime recevraient une aide alimentaire internationale par largage aérien à partir du 1er juin, si l'ONU n'obtenait pas un accès humanitaire à ces cités. «Il ne peut y avoir de solution si notre pays est terrorisé par un régime qui refuse l'approvisionnement en produits de première nécessité», a souligné le communiqué du HCN qui fait de l'aide humanitaire l'une des conditions à une reprise des pourparlers. Complexe, le conflit syrien implique sur le terrain de multiples protagonistes rivaux, dont les groupes jihadistes Etat islamique (EI) et Al-Nosra qui échappent à tout contrôle. Sergueï Lavrov a accusé certains membres du GISS de s'opposer à des frappes sur le Front Al-Nosra, la branche syrienne d'Al-Qaïda, qui n'est pas partie prenante à la trêve . «Cela signifie que Al Nosra est considéré comme un moyen de contenir le régime actuel. C'est un développement dangereux», a-t-il averti. M. Lavrov a également nié que les violations du cessez-le témoignent d'une influence moins grande que prévue de Moscou sur son allié de Damas. «Sur la question de savoir si Assad ignore nos conseils et notre travail avec lui ou non: non, il ne l'ignore pas». Plusieurs pays étrangers interviennent militairement dans le conflit : la Russie soutient le régime avec son aviation, la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis frappe l'EI depuis 2014. «Nous ne soutenons pas Assad, nous soutenons le combat contre le terrorisme, a nuancé Sergueï Lavrov. (...) Sur le terrain, nous ne voyons pas de forces plus réelles et efficaces que l'armée syrienne, malgré toutes ses faiblesses». Le sort du président Bachar al-Assad constitue la principale ligne de fracture entre les puissances mondiales et régionales du GISS. Depuis le début de la révolte contre le régime de Damas en mars 2011, la guerre a fait plus de 270.000 morts et jeté sur les routes des millions de personnes, provoquant une crise humanitaire majeure dans la région et en Europe. Outre les 52 morts dans les combats mardi entre groupes rebelles à l'est de Damas, au moins sept civils, dont trois enfants, ont été tués, sans doute par une roquette, au cours de la nuit de lundi à mardi dans le quartier rebelle de Soukkari à Alep.