Un nouveau convoi d'aide humanitaire est entré dans la ville syrienne assiégée et affamée de Madaya, le patron de l'ONU Ban Ki-moon dénonçant un «crime de guerre» à la veille d'une réunion d'urgence vendredi du Conseil de sécurité. «Soyons clairs: utiliser la famine comme arme de guerre est un crime de guerre», a déclaré M. Ban au sujet de Madaya et d'autres villes assiégées par les belligérants en Syrie. Il a souligné que le régime syrien comme les groupes armés d'opposition «se rendent coupables de cela et d'autres atrocités interdites par les lois humanitaires internationales». Paris, Londres et Washington ont demandé la réunion d'urgence du Conseil pour réclamer la levée des sièges des villes concernées, dont Madaya, localité rebelle coupée du monde depuis six mois par l'armée et devenue le symbole des souffrances de la population civile en Syrie. Un premier convoi humanitaire avait été autorisé à entrer dans Madaya lundi, après le tollé international suscité par des informations faisant état d'une situation de famine dans la ville. L'ONU a parlé des pires souffrances vues en cinq ans de conflit en Syrie. Jeudi, un deuxième convoi de 44 camions remplis de nourriture et de médicaments est parvenu dans la ville, à une quarantaine de kilomètres de Damas, pour secourir les habitants affamés. «La priorité est d'apporter de la farine et des produits sanitaires» aux quelque 42.000 habitants, a indiqué un porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). «Ce sont les personnes âgées, les femmes et les enfants qui souffrent le plus, notamment de grave malnutrition», a précisé dans un communiqué la responsable du CICR en Syrie, Marianne Gasse. «Leurs conditions de vie sont parmi les plus difficiles qu'il m'ait été donné de voir durant les cinq années que j'ai passées dans le pays. Cette situation ne peut plus durer». Plusieurs nutritionnistes de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), du CICR et du Croissant-Rouge syrien ont pu entrer à Madaya pour «traiter les patients sur place et examiner la gravité de leur état», selon Rana Sidani de l'OMS. Un troisième convoi d'aide devrait suivre «dans les prochains jours», selon le coordinateur humanitaire de l'ONU en Syrie, Yacoub el Hillo. ‘Atrocités interdites' L'opération humanitaire concerne aussi les deux localités chiites de Foua et Kafraya, encerclées par les rebelles dans la province d'Idleb (nord-ouest), mais où la situation est jugée moins catastrophique qu'à Madaya. Un porte-parole du CICR a indiqué jeudi soir que tous les camions prévus avaient pu rallier Madaya, Foua et Kefraya et que le déchargement était en cours. «Nous rencontrons les familles pour évaluer leurs besoins», a déclaré Pawel Krzysiek sur Twitter. De difficiles négociations ont été en outre engagées entre les organisations humanitaires et le régime pour évacuer de Madaya les malades et les personnes les plus affaiblies. Médecins sans frontières a fait état début janvier de 23 personnes mortes de faim depuis le 1er décembre. Selon le CICR, 400.000 personnes vivent assiégées en Syrie, où la guerre civile a fait depuis mars 2011 plus de 260.000 morts et poussé des millions de personnes à la fuite. «Il faut que les sièges de l'ensemble des villes et villages soient levés, immédiatement et simultanément», a dit Robert Mardini, directeur du CICR pour le Moyen-Orient. «En attendant, les convois humanitaires doivent se voir accorder un accès rapide, régulier et inconditionnel à toutes ces zones afin que des vies puissent être sauvées». Prochaine rencontre Kerry-Lavrov La demande d'une réunion d'urgence du Conseil vise aussi, selon l'ambassadeur français François Delattre, «à contribuer à créer des conditions plus favorables pour une reprise» des négociations entre régime et opposition attendue le 25 janvier à Genève. Selon Moscou, les ministres russe et américain des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov et John Kerry, se rencontreront le 20 janvier à Zurich pour discuter du conflit syrien. Jusqu'à présent, tous les efforts en vue d'une solution politique ont échoué en raison notamment des divergences sur le sort de M. Assad, mais l'émissaire de l'ONU Staffan de Mistura a répété sa volonté d'entamer le 25 janvier les négociations de paix. Mi-décembre, le Conseil de sécurité a adopté une résolution établissant une feuille de route prévoyant des négociations, un cessez-le-feu, un gouvernement de transition dans les six mois et des élections dans les 18 mois. Parallèlement, face au danger jihadiste, le chef militaire américain au Moyen-Orient, le général Lloyd Austin, a estimé que les revers subis par le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak allaient probablement conduire à une augmentation des attentats comme ceux de Bagdad, d'Istanbul et de Jakarta.