Délégations de l'opposition et du gouvernement syrien se retrouvaient hier lundi avec le médiateur de l'ONU Lakhdar Brahimi après une semaine de pause pour la Conférence dite de Genève II. M. Brahimi doit s'entretenir d'abord séparément avec chaque délégation, avec pour objectif que tous se retrouvent à la même table mardi. Au terme d'une laborieuse première session de la Conférence, ce vétéran de la diplomatie avait admis que les résultats étaient modestes, le principal acquis étant que les belligérants, pour la première fois en trois ans de conflit, s'étaient parlés par son intermédiaire et avaient accepté de continuer à le faire. M. Brahimi a promis un dialogue «plus structuré» pour la seconde session, qui commence lundi et doit en principe durer jusqu'à vendredi, les participants décidant alors de la suite à donner à leurs pourparlers. Seul point concret à ce dialogue, l'ONU avait essayé d'arracher une «mesure humanitaire de confiance», un accord entre opposition et gouvernement pour venir en aide à la population de la vieille ville de Homs, assiégée depuis 2012. Il ne s'était pas concrétisé à la fin de la première session, mais finalement ce weekend plus de 600 civils ont été évacués des quartiers assiégés sous les tirs par l'ONU. 2.500 civils pris au piège Une équipe de l'ONU et du Croissant-Rouge arabe syrien a mené dimanche cette opération grâce à un cessez-le-feu de trois jours décrété vendredi, mais qui avait été déjà violé samedi. Des militants ont affirmé dimanche soir que la trêve avait été prolongée de 72 heures et que l'opération d'évacuation devrait se poursuivre lundi. L'ONU et le Croissant-Rouge ont reçu pour mission de porter secours à 2.500 civils pris au piège et confrontés depuis des mois à la faim. Vendredi, 83 civils avaient été évacués malgré des tirs. Samedi, l'opération avait été perturbée par des tirs de balles et d'obus sur un convoi du Croissant-Rouge syrien transportant de l'aide dans le Vieux Homs. Les attaques avaient fait cinq morts et une vingtaine de blessés parmi les habitants, alors que le personnel humanitaire s'en est sorti sain et sauf. Ailleurs en Syrie, les violences ont encore fait près de 300 morts, civils et combattants des deux bords, ces dernières 24 heures, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Parmi eux figurent 20 hommes exécutés par les forces loyalistes à Hama, selon cette ONG. Une femme et deux hommes sont morts de faim dans le camp palestinien de Yarmouk à Damas, qui est soumis à un siège asphyxiant depuis juin 2013. Dans le nord du pays, à Alep, les hélicoptères gouvernementaux ont poursuivi leurs bombardements de zones rebelles avec des barils d'explosifs, une pratique dénoncée par la communauté internationale. Ces raids ont fait au moins onze morts, notamment dans le quartier de Haidariya, a déclaré dimanche l'opposition. Pour préparer la nouvelle session de Genève, les deux co-parrains de la Conférence, la Russie et les Etats-Unis, qui n'ont pas ménagé leurs efforts ces dernières semaines pour réunir les belligérants à la même table, se sont à nouveau concertés samedi. Leurs chefs de la diplomatie, Sergueï Lavrov et John Kerry, ont eu un entretien téléphonique. Une partie de l'aide distribuée à Homs malgré les tirs Le Croissant rouge syrien a réussi à distribuer samedi en fin de journée une partie de l'aide urgente aux habitants assiégés à Homs malgré les tirs contre son convoi et une rupture de la trêve dans cette troisième ville de Syrie dévastée par la guerre. Cette opération humanitaire a été lancée vendredi par l'évacuation de 83 personnes qui étaient piégées dans des conditions effroyables dans les quartiers rebelles assiégés par l'armée depuis juin 2012 à Homs (centre), en application d'un accord entre les belligérants conclu sous l'égide de l'ONU. L'ONU et le Croissant rouge syrien devaient faire parvenir dès le matin une aide d'urgence aux civils qui ont choisi de rester dans les quartiers assiégés, mais les violences ont entravé pendant plusieurs heures l'opération, dont finalement juste une partie a pu être fournie. «Malgré le fait que notre équipe a été la cible d'obus et de tirs, nous avons réussi à distribuer 250 paquets de nourriture, 190 kits d'hygiène et de médicaments pour les maladies chroniques», a indiqué le Croissant rouge sur son compte Twitter. Le gouverneur de la province de Homs, Talal al-Barazi, cité par l'agence officielle Sana, a affirmé que deux véhicules avaient réussi à distribuer l'aide dans les quartiers de Hamidiyé et Boustan al-Diwan, soulignant que les autres camions avaient été empêchés de pénétrer dans la vieille ville par les tirs de «terroristes» - les rebelles dans la terminologie du régime. Tout au long de la journée, régime et rebelles se sont mutuellement accusés d'avoir violé la trêve de trois jours instaurée de 06H00 à 18H00 locales à Homs pour distribuer les aides, puis d'avoir tiré sur les convois humanitaires incluant l'ONU et le Croissant rouge. Dans ce contexte de violences, aucune indication n'a été donnée sur la façon dont l'opération se déroulera dimanche. Tirs sur un camion distribuant l'aide Le Croissant rouge a diffusé une photo montrant un groupe de personnes rassemblées dans une rue dévastée, autour d'un camion d'aide marqué du logo de l'organisation. Et une vidéo distribuée par des militants à Homs montre un autre véhicule distribuant de l'aide à des civils et qui est soudain visé par des tirs. Selon le Croissant rouge, ses véhicules ont été la cible de tirs qui ont fait un blessé, le conducteur, et d'obus. L'organisation n'a accusé aucun des belligérants. Sur Twitter, il a ensuite souligné que tous ses employés et le personnel de l'ONU étaient parvenus à quitter la ville. Tôt le matin déjà, cinq explosions ont retenti dans Homs, retardant l'aide humanitaire pour les centaines d'habitants assiégés. L'accord conclu après des mois de négociations prévoit un cessez-le-feu d'au moins trois jours à partir de vendredi pour permettre l'évacuation des femmes, enfants et personnes âgées le souhaitant de Homs et l'acheminement d'une aide d'urgence pour ceux qui choisissent d'y rester. Selon l'ONU, il s'agit d'une aide d'urgence pour 2.500 personnes: nourriture, kits médicaux et d'hygiène, matelas, couvertures, ainsi qu'une somme en liquide et un soutien logistique. Herbes et olives Considérée comme «la capitale de la révolution» contre le régime, Homs est divisée sur des bases confessionnelles, la majorité des sunnites soutenant les rebelles, et les alaouites, issus de la même communauté religieuse que le président Bachar al-Assad, appuyant le pouvoir. Vendredi, 83 femmes, enfants et personnes âgées ont été évacués de la vieille ville, selon l'ONU. Les civils, bombardés presque chaque jour par l'armée qui cherche à reprendre leurs quartiers et accuse les rebelles de les utiliser comme «boucliers humains», manquaient de tout et se nourrissaient d'herbes et d'olives selon plusieurs témoignages. Selon le porte-parole adjoint de l'ONU, Farhan Haq, les personnes évacuées vendredi ont été «transportées vers des endroits de leur choix, escortées par l'ONU et le Croissant rouge». On ignorait quand auront lieu les prochaines évacuations. Il s'agit du premier geste humanitaire du régime de Bachar al-Assad depuis le premier round de négociations avec l'opposition fin janvier en Suisse, qui n'avait abouti à aucun résultat. Régime et opposition ont donné leur accord pour participer au deuxième round de pourparlers prévu le 10 février à Genève et visant à trouver une issue politique au conflit qui ensanglante la Syrie depuis près de trois ans et a fait plus de 136.000 morts selon l'OSDH et des millions de réfugiés et déplacés. Le chef de la diplomatie américaine John Kerry, dont le pays soutient l'opposition, a téléphoné à son homologue russe, un allié du régime pour évoquer la situation en Syrie avant les négociations. Outre les violences à Homs, l'armée à de nouveau largué des barils d'explosifs sur Alep tuant 20 personnes, alors que des combats se poursuivaient entre rebelles et jihadistes dans l'Est, selon l'OSDH.