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Recommandations du CNDH relatives à la révision du Dahir régissant les rassemblements publics: Abrogation des peines privatives de liberté : Contrôle par le procureur du Roi du recours à la force
Publié dans L'opinion le 11 - 12 - 2015

Le Conseil national des droits de l'Homme a adressé récemment deux mémorandums au chef du gouvernement relatifs, le premier aux rassemblements publics et, le second, à la liberté associative.
Par ses mémorandum, le CNDH entend contribuer au processus de production des lois organiques et ordinaires, ainsi qu'au au débat public relatif à la liberté associative en présentant à travers ses deux mémorandums.
Il se déclare « conscient de l'impact de la législation en matière de libertés publiques sur la protection des droits civils et politiques garantis par la Constitution, en « accordant un intérêt particulier et légitime aux libertés publiques en général et au cadre juridique régissant la liberté de réunion et de manifestation pacifique en particulier ».
En matière de simplification de la procédure de déclaration préalable des manifestations sur la voie publique, les propositions du CNDH concernant la révision du Dahir n°1-58-377 du 3 joumada Ier 1378 (15 novembre 1958) relatif aux rassemblements publics visent, à mettre en œuvre les dispositions de l'article 29 de la constitution qui consacre explicitement la liberté de manifestation pacifique.
En matière de gestion des différentes formes d'exercice des libertés de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique, elles visent à renforcer la logique déclarative et libérale qui caractérise la législation nationale des libertés publiques depuis 1958.
Le CNDH propose dans cette contribution une démarche qui accorde à la justice le pouvoir qui lui sied en tant que régulatrice et garante des libertés de réunion, de rassemblement et de manifestation spécifique en vertu des articles 29 et 117 de la Constitution. Cette démarche propose un accès plus accéléré à la justice dans le contexte du contentieux lié à la gestion des libertés garanties par l'article 29 de la Constitution.
Dans son mémorandum, le CNDH identifie quatre éléments qui, de son avis, doivent être codifiés dans le nouveau cadre juridique régissant les libertés de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique :
- La consécration du droit des manifestants d'accéder à l'espace public, selon les modalités qui peuvent être définies par la loi, par le règlement et d'un commun accord entre les manifestants et l'administration, ainsi que l'établissement des mécanismes de communication appropriés à cet effet ;
- Le devoir des autorités en matière de protection de tous les manifestants sans discrimination, contre toutes formes de menace et de harcèlement ;
- La consécration par la loi des dispositions qui garantissent explicitement la sécurité des journalistes et des professionnels des médias qui couvrent les manifestations pacifiques, en tenant compte de leur rôle spécifique, de leur exposition et de leur vulnérabilité ;
- La consécration dans la loi régissant les libertés de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique des principes élémentaires régissant le recours à la force, notamment les principes de nécessité et de proportionnalité.
Le CNDH retient plusieurs conclusions tirés de l'analyse des différents documents de référence dont, en ce qui concerne le cadre juridique régissant les droits garantis par l'article 29 de la
Constitution, l'introduction d'une disposition qui engage les autorités, lorsqu'une réunion fait l'objet de restrictions conformément aux normes et critères internationaux relatifs aux droits de l'Homme, des solutions de remplacement raisonnables en termes de réunions pacifiques, qui ne devraient pas s'écarter de l'objet et du public ciblés ;
Il retient la formule consacrant explicitement la présomption de légalité des réunions pacifiques jusqu'à preuve du contraire, ainsi que le devoir des autorités concernées en matière de facilitation et de protection des réunions pacifiques notamment par la négociation et la médiation.
Le CNDH a examiné plusieurs éléments de la jurisprudence marocaine en matière d'exercice libertés de réunion, de rassemblement et de manifestation pacifique. Il précise que plusieurs arrêts s'inscrivent dans la logique libérale du Dahir de 1958 et du CNDH, et méritent d'être codifiés dans la révision du cadre juridique régissant de cette contribution.
Propositions concernant la révision du Dahir de 1958
Le CNDH propose de réviser le Dahir N° 1-58-377 du 3 joumada Ier 1378 (15 novembre 1958) relatif aux rassemblements publics et recommande :
- d'ajouter systématiquement le terme « carte de résidence » à côté de la carte d'identité nationale.
Le CNDH propose d'abroger les peines privatives de liberté tout en
maintenant les amendes prévues à l'article 9 pour les infractions du livre premier sur les réunions publiques, et celles prévues à l'article 14 pour les infractions du livre deux relatif aux manifestations sur la voie publique.
Dans le cadre de la dématérialisation des procédures, le Conseil propose d'introduire dans les articles 3 et 11 la possibilité d'effectuer la déclaration préalable par voie électronique,
Le CNDH propose d'ajouter au principe de liberté des réunions publiques le principe de présomption de légalité des réunions jusqu'à preuve du contraire.
Dans le cadre du même article, le Conseil propose de remplacer la définition actuelle de la réunion publique par une définition plus générale selon laquelle le terme « réunion publique » désigne la présence intentionnelle et temporaire de plusieurs personnes souhaitant exprimer un point de vue commun dans un espace public.
Le Conseil recommande également que l'article premier consacre l'obligation positive des autorités publiques de faciliter et de protéger les réunions pacifiques.
En vue de simplifier les procédures, le CNDH propose de remplacer les copies certifiées des cartes d'identité nationales, ou le cas échéant la carte de résident par la simple mention du numéro des dites cartes.
Le CNDH recommande par ailleurs de dispenser les associations légalement constituées, les partis politiques, les formations syndicales et les organismes professionnels de la déclaration préalable en vue de tenir des réunions publiques.
Le CNDH propose d'ajouter à cet article une disposition qui accorde aux organisateurs de la réunion, la possibilité de déployer un service d'ordre clairement identifiable, de manière à faciliter l'événement et à garantir le respect de toute restriction notifiée selon les voies légales, tout en précisant que ce service d'ordre ne dispose pas des pouvoirs conférés aux responsables des forces de l'ordre et ne devrait pas avoir recours à la force, mais s'efforcer d'obtenir la coopération des participants. Le Conseil estime que cette recommandation encouragera l'auto-organisation des réunions.
Le Conseil recommande par ailleurs d'introduire au niveau du même article un alinéa qui accorde aux associations, partis politiques, syndicats et aux autres groupes de fait, la possibilité d'utiliser des salles publiques sur leur demande, et selon des modalités à fixer par voie réglementaire. Pour la partie réglementaire, le CNDH propose de convertir en décret la teneur de la circulaire de M. le Premier ministre N° 28/99 du 5 novembre 1999 sur l'utilisation des salles publiques par les associations, les partis politiques et les organisations syndicales.
Le CNDH constate que la pratique a largement dépassé l'article 11 du Dahir de 1958 régissant les manifestations sur la voie publique. Depuis deux décennies, les manifestations sur la voie publique sont exercées par des groupes de fait (coordinations, associations de fait, coalitions territoriales et thématiques, unions des diplômés chômeurs, etc.) autres que ceux prévus par l'article 11 (associations, partis, syndicats, organismes professionnels).
L'évolution de la pratique justifie, de l'avis du Conseil, l'urgence de réviser cet article en accordant le droit d'organiser des manifestations sur la voie publique aux personnes physiques et morales.
Le CNDH propose d'introduire dans cet article une disposition qui permet aux signataires de la déclaration d'introduire un recours contre la décision d'interdiction auprès du tribunal administratif compétent, qui statue en référé et donne une ordonnance de référé à cet effet.
Dans le cadre de la facilitation des manifestations spontanées, qui s'inscrit dans le cadre de l'obligation positive des autorités publiques en matière de facilitation et de protection de l'exercice des libertés objet de cette contribution, le CNDH recommande de modifier cet article en abrogeant toute sanction contre les personnes qui ont participé à une manifestation non déclarée.
Le CNDH propose d'introduire au niveau de l'article 21 une disposition permettant au responsable des forces de l'ordre ou toute autre personne habilitée par lui de mener une tentative de négociation-médiation avant de procéder aux sommations.
Dans le même cadre, le CNDH recommande d'introduire entre les articles 25 et 26 une nouvelle disposition qui consacre explicitement deux principes qui doivent régir le recours à la force à savoir la nécessité et la proportionnalité. Des textes réglementaires doivent définir, de l'avis du Conseil, les modes opératoires concernant le recours à la force sur la base de ces deux principes précités.
Le CNDH recommande également que cette nouvelle disposition prévoie que toute opération de recours à la force doit être effectuée sous le contrôle du procureur du Roi près le tribunal de première instance.
Enfin, le CNDH rappelle dans le même cadre que les dispositions proposées doivent également garantir explicitement la sécurité des journalistes et des professionnels des médias qui couvrent les manifestations pacifiques.


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