Le nombre de manifestations organisées au Maroc a notablement augmenté ces dernières années, atteignant 14.000 manifestations par an en 2013 et 2014, soit une moyenne de 31 manifestations par jour. «Pour nous, c'est un phénomène tout à fait sain, une expression de citoyenneté», a déclaré Driss Yazami, président du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Lors d'une conférence de presse organisée hier, mercredi, à Rabat, le CNDH a présenté deux mémorandums, l'un relatif au droit de réunion et de rassemblement, l'autre sur la liberté associative. Concernant le premier, le Conseil s'est, de manière pour le moins surprenante, rangé du côté des autorités. «Le cadre législatif est libéral sur ce point, il se base sur une logique de déclaration et non de permission. Mais la majorité des manifestations ne s'est pas déclarée», a affirmé Driss Yazami. Dans cette optique, le président du CNDH a estimé que les 303 interventions des autorités en 2014 sont peu nombreuses par rapport au nombre de rassemblements non déclarés. Sans même contester l'usage de la force dans certains cas, le Conseil national des droits de l'Homme a uniquement recommandé qu'il soit régi par les principes de «nécessité et de proportionnalité» et effectué sous le contrôle du procureur du Roi auprès du tribunal de première instance. C'est donc vers la responsabilité des citoyens que se tourne le Conseil en les encourageant à déclarer toute manifestation. Le CNDH recommande, cependant, une abrogation des peines privatives de liberté tout en maintenant les amendes pour les infractions liées aux réunions publiques et aux manifestations sur la voie publique. Il propose d'ajouter au principe de liberté des réunions publiques celui de présomption de légalité de ces réunions jusqu'à preuve du contraire et recommande d'introduire la possibilité d'effectuer les déclarations par voie électronique. «L'encadrement et la gestion des manifestations et réunions doivent être à la charge de la justice et non de l'administration», a noté Yazami. En ce qui concerne le mémorandum relatif à la liberté associative, l'un des points les plus importants est l'alignement de la législation régissant les associations étrangères sur celui des associations nationales «dans une perspective d'égalité des droits, conformément à la Constitution et à la nouvelle politique migratoire du Royaume», peut-on lire sur le texte du mémorandum. Si l'on en croit le président du CNDH, au titre de l'année 2015, l'ensemble des associations étrangères a été reconnu, mais dispose d'un statut juridique particulier. Le Conseil demande par ailleurs une simplification de la procédure de déclaration, mais également un encouragement de l'emploi associatif. «Alors que le chômage des jeunes est actuellement un réel problème pour le Royaume, il serait judicieux d'encourager et d'encadrer le travail dans les associations, notamment à travers une réduction des charges sociales pour les associations», a souligné Driss Yazami. Autre recommandation du CNDH, celle de permettre aux mineurs de plus de 15 ans de créer leur propre association. Notons que les deux mémorandums en question ont été présentés au chef de gouvernement en novembre dernier. Ils avaient été entérinés lors de la 6ème et de la 9ème session plénière du CNDH et ont été présentés cette semaine en commémoration de la Journée mondiale pour les droits de l'Homme le 10 décembre.
Le tissu associatif national dans la tourmente Le mémorandum du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) relatif à la liberté associative vient répondre à une évolution significative du tissu associatif national. Selon une étude du Haut-Commissariat au Plan (HCP) présentée en décembre 2011, elles sont plus de 100.000 associations à être actives au Maroc, dont 14.000 récemment créées. Si le nombre est conséquent, la qualité y est beaucoup moins. «Parmi ces structures, 30% ne disposent pas de siège et près du tiers disposent d'un financement de moins de 5.000 dirhams», a expliqué Driss Yazami, président du CNDH. Les associations emploient actuellement plus de 30.000 personnes mais sans cadre légal régissant ce type de bénévolat. Les ressources humaines et financières sont ainsi citées comme les deux obstacles principaux que rencontre le tissu associatif national malgré «son dynamisme et son esprit civique», peut-on lire sur le mémorandum du CNDH. Du côté du financement, 32% des ressources des associations proviennent de cotisations et de dons, tandis que les pouvoirs publics ne contribuent qu'à hauteur de 6,1% au financement des associations. S'ajoutent à cela les contraintes structurelles imposées par le régime fiscal à ce type de structure. La jurisprudence, un élément central des recommandations du CNDH «L'un des éléments clés dans les deux mémorandums que l'on présente aujourd'hui est la jurisprudence nationale en la matière», a déclaré d'emblée le président du Conseil national des droits de l'Homme lors de la conférence de presse d'hier. En ce qui concerne l'exercice des libertés de réunion, de rassemblement et de manifestations pacifiques, plusieurs arrêts sont cités par le CNDH comme étant dans la même lignée du «cadre libéral » de la législation. A l'image de l'arrêt de la Cour de cassation en 1999 qui stipule que «le regroupement de gens dans un endroit déterminé ne constitue pas, en soi, une manifestation mais seulement un rassemblement», ou encore, dans ce même sens, l'arrêt de la Cour d'appel de Rabat en 2001 qui explique qu' «un simple rassemblement de personnes dans un endroit déterminé dans le cadre d'un sit-in ne constitue pas une manifestation». Dans cette même optique, la Cour d'appel d'El Jadida avait précisé dans son arrêt du 20 mars 2001 que «l'organisation d'un sit-in pacifique pour revendiquer le droit au travail est un acte légitime».