Les forces maliennes de sécurité ont donné l'assaut vendredi à la mi-journée contre l'hôtel de Bamako, libérant 80 des 170 otages qui étaient détenus depuis le début de la matinée par un commando islamiste, rapporte la télévision publique malienne. Les forces spéciales maliennes poursuivent leurs opérations dans le Radisson Blu, un hôtel luxueux fréquenté par de nombreux étrangers près du centre de la capitale malienne. «Les assaillants sont toujours à l'intérieur. Nous entendons des coups de feu de temps à temps», a dit un témoin à l'extérieur de l'établissement. Le commando islamiste, qui serait constitué d'une dizaine d'hommes au plus, a fait irruption à 07h00 (07h00 GMT) dans l'hôtel en criant «Allahu Akbar» («Allah est grand») et a progressé étage après étage dans l'établissement, prenant en otage 170 personnes - 130 clients et 40 employés selon le groupe hôtelier Rezidor, qui gère l'établissement. Aucune revendication n'a été diffusée pour l'heure et on ignore le nombre exact et la nationalité des assaillants. Mais un otage libéré a dit les avoir entendus parler en anglais. «Je les ai entendus dire en anglais ‘Did you load it?' (‘tu l'as chargée ?') et ‘Let's go' (‘On y va'). Je n'ai pas pu les voir parce que dans ce genre de situations, c'est dur», a dit Sékouba Bambino Diabaté, un chanteur guinéen libéré par les forces spéciales maliennes que Reuters a contacté par téléphone. Douze membres d'équipage d'Air France exfiltrés Certains otages ont réussi à s'échapper dans les premières heures de l'attaque. D'autres, en nombre indéterminé, ont été relâchés après avoir montré aux membres du commando qu'ils étaient capables de réciter des versets du Coran, a-t-on appris de source proche des services de sécurité. Douze salariés d'Air France - deux pilotes et dix membres d'équipage - étaient présents dans l'hôtel lorsque l'attaque s'est produite. Ils ont été exfiltrés et conduits en lieu sûr, a annoncé la compagnie française, qui a annulé ses vols prévus vendredi entre Paris et Bamako. Les informations sur les autres otages sont diffuses. L'agence officielle de presse Chine nouvelle indique que plusieurs ressortissants chinois ont été piégés à l'intérieur de l'établissement. Cinq des sept employés de la compagnie aérienne turque Turkish Airlines présents dans l'hôtel ont été libérés et les autorités sont en contact avec les deux autres, a annoncé le Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu. Selon le quotidien Le Monde, citant le ministère malien de la Sécurité, trois autres otages en revanche ont été tués. A Paris, dans l'entourage de François Hollande, on indique que des Français figurent au nombre des personnes retenues en otages. «Nous sommes dans l'attente d'informations précises et vérifiées. Il y a en effet la présence de Français. Le président suit la situation en permanence», a-t-on déclaré. De source diplomatique française, on précise que la France apporte au Mali un soutien logistique et en matière de renseignement. Paris a décidé en outre d'envoyer à Bamako une cinquantaine de gendarmes d'élite du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et d'experts de l'Institut de recherches criminelles de la gendarmerie nationale (IRGN) ( et ) La Mission de stabilisation de l'Onu au Mali (Minusma) a indiqué pour sa part qu'elle était «en appui aux autorités maliennes» et qu'elle apportait «un renfort sécuritaire tout en déployant des moyens médicaux sur le site». Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, a écourté une visite au Tchad pour regagner Bamako, a indiqué la présidence. Un pays en proie aux violences islamistes L'attaque, une semaine jour pour jour après les attentats revendiqués par l'organisation djihadiste Etat islamique (EI) à Paris, vise un pays en première ligne dans les violences à caractère islamiste. La situation sécuritaire s'est notamment dégradée depuis 2012, quand le nord du Mali avait été le théâtre d'une insurrection de groupes islamistes en 2012. L'intervention de l'armée française ordonnée en janvier 2013 alors que ces groupes menaçaient de fondre sur Bamako, dans le sud du pays, a bloqué leur progression et les a repoussés dans le nord. Mais le pays n'en a pas fini pour autant avec les violences. En mars dernier, cinq personnes, dont un Français, ont été tuées dans l'attaque d'un restaurant de Bamako prisé des ressortissants étrangers. L'attaque avait été revendiquée par le groupe islamiste Al Mourabitoune, dirigé par l'Algérien Mokhtar Belmokhtar. Le même groupe a revendiqué l'attaque sanglante menée en août contre un hôtel de Sévaré, à quelque 600 kilomètres au nord-est de la capitale. L'attaque contre l'hôtel Byblos, qui a fait 17 morts, avait déjà illustré la menace que les groupes islamistes représentent encore, plus de deux ans après l'intervention de l'armée française et la création de la Minusma. Début septembre, les autorités maliennes ont annoncé avoir démantelé une cellule islamiste à Bamako. A Paris, l'état-major des forces armées françaises a précisé qu'aucun des 3.500 soldats de l'opération Barkhane déployés dans cinq pays du Sahel pour contrer la menace djihadiste n'était présent à Bamako. D'après le Quai d'Orsay, 7.200 ressortissants français vivent au Mali, dont 6.200 à Bamako. Ils sont informés par l'ambassade, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Romain Nadal.