Fondée en 1150 par les Almohades, c'était alors ce qu'on appelait un ribat (forteresse), la ville de Rabat servit à l'époque de base aux expéditions almohades en Andalousie. En 1609, suite au décret d'expulsion de Philippe III, 13000 Morisques y trouvèrent refuge, d'où la chanson ‘'Tiksbilla Ti Oulioula ‘' qui en réalité est ‘'Dik Chbilya (Séville) Noua li lhâa ‘'. Jusqu'au XIXème siècle, Rabat était plutôt connue sous le nom de Salé-le-Neuf. En 1956, à l'indépendance et le retour triomphal de la famille Royale au Maroc, la ville de Rabat devint et resta la capitale du Royaume. Si la cité a connue une très grande, avec l'éclosion des quartiers modernes et populaires, Yacoub El Mansour, Hay El Fath, Hay Riad, Youssoufia, quartier Océan, Douar El Hajja, Hay Nahda, Diour Jamâa, Hay Al Massira, etc, par contre la médina de Rabat ne s'est pas étendue ne serait-ce que d'un pouce, enclavée qu'elle est derrière le mur andalous et adossée à l'océan Atlantique. A l'ancienne médina, durant des siècles, vivaient les plus grandes familles R'batis, des familles de souches, comme on dit, des familles qui ont participées, et de manière active, a la révolution du Roi et du peuple contre le colonialisme français, des familles ayant données des sommités dans le domaine politique, scientifique, sportif, social ... Jusqu'à la fin des années 70, à l'ancienne médina de Rabat, tout le monde connaissait tout le monde, du coiffeur de la rue Boukroun (Jniyah, l'ancien boxeur), au boulanger de la rue Farrane Kahchanne, Ba Boudlali, le propriétaire de Hammam Al Kasri, ou encore Ba Achour, à la rue Taht Al Hamman, ou les familles venaient, à l'occasion d'une fête ou autres, se procurer des chaises, avant même que Himmi ne s'installe à l'entrée de l'avenue Mohamed V, du coté de Bab Lahlou. Bref, à cette époque, les familles vivaient une véritable symbiose. Mutations d'une cité multiséculaire L'ancienne médina de Rabat, avec l'évolution des styles et du mode de vie des uns et des autres, avec son ouverture sur la population venue d'autres régions du pays et l'arrivée massive des migrants (exode rural), a connue une très grande mutation sur le plan commercial. L'exemple le plus frappant reste celui de la rue Boukroun, une rue connue jadis par la commercialisation des étoffes de tissus, ou encore du coté de la rue Kharrazine, ou deux fois par semaines, les artisans des babouches, et autres produits de maroquinerie, venaient à la criée pour s'approvisionner en peaux de bovins. On ne peut s'empêcher de ressentir un pincement au cœur lorsque, parmi les nostalgiques de l'ancienne médina de Rabat, on y retourne pour se remémorer les souvenirs d'enfances. Pour accéder à la médina de Rabat, aussi bien par Bâb Al Had ou par Bâb Bouiba, on l'impression d'accéder a un souk forain, avec de la fumée qui se dégage de toute part, celle des grills de tout genre, des sardines à la viande hachée, ou encore la fumée qui se dégage du bouillon des têtes de bovins. Une petite promenade à Bâb Al Had, là ou par le passé s'installait les Fquihs et écrivains publique. Aujourd'hui, on y expose quelques photos délabrées de l'ancienne ville de Rabat, au point qu'on n'y distingue pas grand-chose. C'est un lieu pourtant plus propice pour que de jeunes peintres y exposent leurs toiles, un patrimoine dont des artistes peuvent faire resplendir la richesse historique par leurs créations. Outre l'entrée de l'ancienne médina, si les rues des consuls, Souk Sabat, ou encore Souk Tahti ont gardé leur cachet d'antan, c'est loin d'être le cas pour celles de Boukroun, Souika, L'Gzâa, ou encore les bains maures. Ces espaces d'entretien de l'hygiène corporelle, de détente et de sociabilité constituent un exemple frappant de la lente mutation socioculturelle que subit la vielle médina de Rabat. Celui de Taht Al Hamman s'est fait une nouvelle de jeunesse, il y a quelques années, mais ceux d'El Kasri, Guedira, Chorfa, Bouizar, sont dans état inqualifiable. Tout comme les anciennes maisons qui dépérissent, jour après l'autre, dans l'indifférence générale. C'est la fin d'une époque, ce qui est dans l'ordre naturelle des choses, aussi belle soit-elle, sauf qu'un peuple sans histoire est un peuple sans avenir. Et un peuple qui ne sait prendre soin de son patrimoine historique ne saurait prétendre entretenir un présent constructif, encore moins bâtir un futur reluisant. L'ancienne médina à l'abandon La richesse du patrimoine architecturel de l'ancienne médina de Rabat, son importance symbolique, tout pousse aujourd'hui à penser sa rénovation. Il faut voir aussi grand que l'on veut l'éclat de la capitale, Rabat, ville des lumières. Une véritable opération, de grande envergure, de sauvegarde du patrimoine emblématique et historique de l'ancienne médina de Rabat. Il y a quelques années, le conseil municipal a voulu faire du centre de la médina un centre sans voitures, pour donner la priorité aux piétons, des modes de déplacement doux, mais sans pour autant tenir compte des autres modalités fonctionnelles des lieux (livraisons, gestions des déchets, entretien des réseaux de canalisation divers...) une opération qui s'est avérée, par la suite, un échec total. Un véritable gâchis ! Un de plus, à additionner à celui de l'incompréhensible opération ayant mené à la démolition des porteails de Bâb Jid et ceux à l'entrée de la rue Al G' Zâ. Aujourd'hui, la chaussée de la rue Sidi Fath et de la rue L'Zâa présentent un carrelage démolis par les voitures, qui continuent à circuler librement dans les rues Sidi Fath, Taht Al Hammam et G'Zâa. La négligence est un comportement fréquent des collectivités locales, autant que des citoyens. Au train ou vont les choses, Dieu seul sait jusqu'ou ira le délabrement. Car, disons le tout haut, l'ancienne médina est à l'abandon ! La sauvegarde du patrimoine architecturel et culturelle de l'ancienne médina de Rabat n'est pas un investissement sans rentabilité. Valoriser ce patrimoine, c'est valoriser l'image de son passé, ce qui permet de l'exploiter intelligemment au présent, ne serait-ce que pour subjuguer les touristes étrangers, en quête des symboles vivants d'autres temps. Le service de l'architecture et du patrimoine au sein du conseil municipal de la ville de Rabat doit prendre, et plus que jamais, des mesures radicales pour que l'ancienne médina de Rabat garde son cachet sarrasin, un sceau qui marque son passé, qui s'étale sur 8 siècles et 64 années.