Au début des années cinquante, ils n'étaient pas moins de trente coiffeurs à l'ancienne médina de Rabat, de la rue Lg'za, en passant par la rue Sidi Fath, les rues Taht Al Hammam, Boukroune, Souika , Lalla Mouknabech, Farane Znaqui, Derb Gnaouâa, Zankat Jouitiyâ , et j'en passe . De lamâalam Lahjoumri en passant par G'Zouli, El Amri, El Fakkar, Tbâa, Jiyar, Doukkali, Moulay Ahmed, Mekki, Driss Ben Abdeslam , El Oufir, J'niyeh, Doghmi , El Gamra, Cherkaoui et bien d'autres noms qui, pendant plusieurs décennies, ont marqués un métier qui tient toujours tête au modernisme ,puisque et quoi qu'en fasse, pour se faire coiffer, on a toujours besoin d'un peigne et de ciseaux . Un métier qui date de l'antiquité, en Grèce, à Rome et au Moyen orient, où les hommes allaient se faire couper les cheveux, alors que les femmes le fesaient à domicile. Le coiffeur faisait aussi office de barbier –chirurgien (circoncision). Du coté de Bab Rahba, ils y avaient ceux qui pratiquaient des saignées, à la nuque, et se faisaient même dentistes. Hommes aux talents multiples, les coiffeurs faisaient aussi office de serveurs, lors de fêtes de mariage .Ce qui n'est, bien sûr, plus cas aujourd'hui. Eh oui, autres temps, autres mœurs... Aujourd'hui, dans l'ancienne médina de Rabat, les coiffeurs de la génération des années 50, ils ne sont plus qu'une dizaine, qui continuent à tenir encore la route dans le métier, Doghmi à Derb G'naoua, J'niyeh à la rue Boukroune, Driss Ben Abdeslam à la rue Sidi Fatah, Tabâa à Bab Lâalou, entre autres. Nos légendaires coiffeurs de l'ancienne médina, durant plus de cinq décennies, devant leur miroir, bien des têtes sont passées, laissant des tonnes de cheveux en face, du modeste au riche ,du cadre moyen au supérieur , de l'écolier à l'universitaire, du commerçant au chômeur, du ministre au député, de l'agent de police au pompier, tout le monde y passe, le fauteuil du coiffeur est incontournable, si on ne se fait pas raser la barbe, la coupe des cheveux est inévitable. Le passage chez le coiffeur est tout ça et bien plus encore. C'est radio –médina pour écouter les dernières nouvelles, qui circulent par ci et par là, bien installé dans le fauteuil pour une coupe de cheveux, ou à patienter sur une chaise, en attendant d'offrir sa tête au peigne et aux ciseaux. Parfois il faut rester des heures et des heures pour voir arriver son tour, surtout à la veille des grandes fêtes. Les légendaires coiffeurs de l'ancienne médina ,toujours habiles ciseaux et peigne à la main, comme des chefs d'orchestre qui manient la baquette devant un orchestre, aujourd'hui, certes, dans leurs modestes salons, ils n'accueillent pas les jeunes qui veulent se faire une coupe « banane », nuque longue ou à l'allemande. Ce sont plutôt les nostalgiques d'une autre époque, qui ne manquent pas de faire un détour du coté des rues de l'ancienne médina de Rabat, non seulement pour s'enquérir de leur état de santé, mais aussi pour évoquer, au passage, les souvenirs du bon vieux de temps, celui des années 50,60,70 & 80, les années ou, à l'ancienne médina de Rabat, tout le monde connaissait tout le monde .