J'ai décidé d'un accord unilatéral d'attendre les derniers soubresauts du mois du jeûne pour essayer, moi aussi et comme nombre de chroniqueurs la plume en berne, d'y voir plus clair dans notre fameuse « harira » audiovisuelle ramadanienne. Partant, dois-je l'avouer, avec un constat préalable et plutôt désespéré, force est de se voir confirmer, et sans appel, la médiocrité, la stérilité, le manque douloureux et désespérant d'imagination de la part des faiseurs de cette grille annuelle tant attendue, et de tous ceux et celles qui en profitent jusqu'à l'épuisement pour se remplir la besace et les comptes bancaires avec un minimum de labeur. Une stérilité, voire une impuissance avérée et flagrante d'éternels habitués de la trop fructueuse tranche de ce mois exceptionnel (Merci M. Laaraïchi !). Exceptionnel, du moins aux yeux de ceux et celles qui scrutent cette opportunité en se frottant des mains plus promptes à encaisser les gros chèques qu'à tourner les manivelles et mettre devant les yeux d'un public assoiffé une production d'un minimum syndical culturel et qualitatif. Seulement, cette manne ressemble de plus en plus à un jackpot (N'est-ce pas M. too mutch loved ?), plus à un bingo qu'à un investissement dans un produit « national », comme on en réalisait jadis en se contentant de miettes en noir et blanc... On s'est habitué, avancent d'aucuns, résignés. On n'a qu'à zapper, somme toute. Oui, mais peut-on zapper des hommes tout juste bons à fourguer aux publics une « marchandise » périmée, incombustible, sans aucun « service d'hygiène » pour la contrôler, la noter ou y apposer son veto ? Sinon, la table dressée et bien garnie est autrement plus attrayante, du moins visuellement, que ces mièvreries et ces vulgarités sans nom défilant sur nos écrans plasma. Mimiques gratuites, jeux de mots infantiles, scénarii si mal ficelés qu'ils en deviennent inexistants (Notre prix de « sexellence » ira sûrement à cette ineptie gigoteuse nommée « Naïda f'douar, de son richissime producteur le génial auteur du chef d'œuvre pasolinien Too mutch love !, réalisation, et surtout production juteuse, à la va-vite, sur le dos de comédiens dirigés... droit sur le mur ! (voir le cas de la malheureuse « exilée » de Rio, héroïne et victime collatérale du chef d'œuvre que vous savez...) Tout cela serait naturel et d'un ordinaire agaçant si ce n'est que depuis d'innombrables années, l'argent se fait trop voir et notre Mercator ramadanesque devient trop voyant et criard à volonté. Et cela frise l'indécence. On pourrait ici résumer cette situation en évoquant le titre du movie de Woody Allen, « Prends l'oseille et titre-toi ! » La manne financière est trop tentante et l'on n'est pas loin d'une Harira Connection qui, faute de faire germer des hommes de cinéma ou de télévision, nous fourgue des nouveaux riches qui se croiraient déjà à Hollywood et d'autres de plus en plus à Bollywood. En fait, c'est un signe des temps : il y'a quelques petites années encore, tout le « mal » que l'on pouvait souhaiter est que la manne financière profite amplement aux créateurs, réalisateurs, acteurs, comédiens, équipes techniques... Il semble que les étapes aient été brûlées d'un pas trop « enthousiaste », comme si certains, à leur tête ces producteurs, ou pseudo patrons de boites de production aux canines bien ciselées prêtes à mordre dans les milliards tombés du ciel, ou plutôt des fonds dégoulinants de cette vache à lait nommée SNRT, en ces temps où des téléspectateurs martyrisés ont du mal à boucler leur... débuts de mois difficiles, acculés à jeter leur dévolu sur les lacrymos made in Istanbul, Mexico, Bombay et d'autres capitales exotiques. Signe des temps, donc, le citoyen-téléspectateur lambda n'hésite plus à demander des comptes à nos producteurs carnassiers, comme il le demandait auparavant aux politiques, aux élus, aux décideurs, aux « aafarites », aux crocodiles, aux brebis galeuses, aux moutons noirs et à toute la galerie politico-animalière. Ce n'est que logique et justice : producteurs et compagnie, déjà pleins aux as (n'est-ce pas Ali'N ?) en l'espace de temps records, n'ont plus le droit, surtout moral, de fourguer au peuple une marchandise à la sauvette, juste histoire de respecter les délais imposés par la trop généreuse SNRT de M. Laaraïchi, (donc de l'Etat, donc du contribuable) et des cahiers de charges sans charges notables. Ils n'ont plus à nous imposer les sempiternelles mêmes têtes, les mêmes proverbes que mêmes nos grandes mères n'osent plus seriner à leurs petits-enfants, et surtout cette mortelle absence d'humour qui s'est transformée chez eux en une maladie contagieuse : le cas d'un OHNI (Objet honteux non identifié) nommé « Al Khawasser » atteint des records inqualifiables, dans le cas d'espèce. Si cela devait changer, dès la saison en cours si possible, si les responsables de la SNRT acceptaient enfin de ne plus tabler que sur le sérieux, la qualité et le respect des marocains - ce qui semble frôler l'exploit -, on pourra alors dire à ces producteurs et autres réalisateurs richissimes au volant de leurs 4x4 rutilantes et à leurs suites, que la « récréation » pourrait prendre un jour fin, tant elle aura duré plutôt trop longtemps. Les chiffres officiels de l'audimat en rapport avec les grilles pourraient s'avérer rassurants, tant il est avéré que le public ne regarde et, donc, n'achète que le produit de qualité qui le respecte et qui se respecte, même avec des poches pleines ! Alors, si les prochaines grilles réussissent la gageure de se mettre les citoyens marocains de leur côté, malgré la farouche concurrence étrangère, là, nous oserons pousser l'optimisme jusqu'à nous souhaiter, à nous autres citoyens téléspectateurs, des communions cathodiques plus intelligentes, plus attractifs et, surtout, moins précipitées.